Je n'aurai pas l'outrecuidance de vouloir retrancher ni ajouter un mot à ce qu'a dit excellemment le rapporteur de notre commission, qui a retranscrit très fidèlement la décision prise en son sein. Mais l'examen du présent accord nous conduit à nous interroger publiquement sur les imperfections de notre droit pénal relativement à la mise en œuvre de ce type de convention.
À l'occasion d'un débat sur un projet de loi autorisant l'approbation de la convention de coopération judiciaire internationale entre la France et l'ONU, les membres de la commission des affaires étrangères s'étaient inquiétés des conditions particulièrement restrictives posées par notre droit aux juridictions françaises pour poursuivre et juger les ressortissants étrangers soupçonnés de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre. Ces conditions, définies à l'article 689-11 du code de procédure pénale créé par la loi du 9 août 2010 portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale, sont au nombre de quatre : la personne doit résider habituellement sur le territoire français ; les faits doivent être punis par la législation de l'État où ils ont été commis ou ledit État doit avoir ratifié la convention de Rome relative à la CPI ; la poursuite des crimes ne peut être exercée qu'à la requête du procureur ; aucune juridiction internationale ou nationale ne doit avoir demandé la remise ou l'extradition de la personne.
Le cumul de ces quatre conditions rend particulièrement difficile l'exercice par les juridictions de notre pays d'une compétence universelle ou même seulement extraterritoriale. Cela nous place en porte-à-faux vis-à-vis de certains de nos partenaires, qui apparaissent plus actifs que nous dans la lutte contre l'impunité. Ainsi, les juridictions allemandes ont condamné en février 2021 et en janvier 2022 deux anciens membres des services syriens de renseignement, coupables de violations graves des droits de l'homme.
Notre commission déplore les freins mis à la compétence des juridictions françaises, car ils rendent le dispositif actuel largement inopérant. Pour débloquer la procédure, deux initiatives nous paraissent nécessaires : mettre fin au plus vite, d'une part, à la condition dite de la double incrimination – laquelle revient au fond à demander à un État méprisant les droits de l'homme de bien vouloir prévoir lui-même les instruments juridiques de sa propre condamnation – et, de l'autre, à la condition de résidence habituelle en France, qui nous paraît bien malvenue car très difficile à apprécier et à vérifier.
Au nom des membres de la commission des affaires étrangères, unanimes sur le sujet, j'avais saisi le Gouvernement de ces anomalies. J'avais reçu des réponses très encourageantes de M. Le Drian et de M. Dupond-Moretti, et je sais que le Gouvernement travaille à la question, en relation évidemment avec la Cour de cassation ; mais, du fait de la suspension de nos travaux à la veille des campagnes électorales, ces initiatives sont pour le moment restées sans suite. Je profite donc de ce débat pour inviter M. le garde des sceaux et Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères à faire le point en vue de modifier notre droit et, ce faisant, de rendre notre pays digne de ses engagements. Nous n'en serions que plus crédibles face à nos partenaires et, plus encore, face à ceux dont nous combattons les exactions à l'heure où celles-ci se multiplient jusque sur le sol européen.
Le législateur a déjà opéré des modifications, notamment pour supprimer le critère de la double incrimination en matière de génocide. Il est temps de revoir à nouveau notre code de procédure pénale. Le sujet peut et doit faire l'objet d'une réflexion et d'une mobilisation transpartisanes !