Je commencerai par répondre à quelques points que j'avais oubliés.
La boussole stratégique est un élément clé de l'Europe de la défense : il faudra commencer à l'appliquer, pour renforcer notre capacité à agir et intervenir en cas de crise.
Protéger les citoyens face aux cybermenaces et à la désinformation est également capital : un exercice a été mené pendant la présidence française de l'Union européenne, avec des résultats satisfaisants.
Il faut aussi développer nos capacités industrielles ainsi que la base industrielle et technologique de défense de la France. En Europe, les politiques industrielles sont fragmentées : les pays qui le souhaitent doivent travailler à des programmes d'armement communs et à des achats groupés, ce qui est loin d'être simple.
Enfin, il conviendra d'étendre nos partenariats à l'Afrique et à l'Indo-Pacifique.
La guerre nous a conduits à repenser nos façons d'agir collectivement ; nos valeurs économiques et financières ; nos valeurs démocratiques et en matière d'État de droit, d'information, de justice ; et notre capacité à faire en sorte que l'Europe garde son destin en main. Aucun d'entre nous, hormis à l'est de l'Europe, n'était préparé à une remise en cause aussi brutale de l'ordre que nous connaissions.
La vitesse et la force avec lesquelles nous avons réussi à répondre sont remarquables. Il faut maintenant assumer un discours de puissance politique, car nous sommes menacés. La boussole stratégique nous permettra de construire la défense stratégique de l'Europe, avec des éléments concrets, comme la manière d'accompagner d'autres pays, de déployer une force militaire, de la financer – pour la première fois, des financements communs ont été engagés – et d'articuler cela avec l'OTAN. C'est une des raisons pour lesquelles nous devons absolument maintenir le dialogue avec les pays qui ne sont pas dans l'Union européenne et n'ont pas le statut de candidat à l'adhésion.
Concernant le second pilier de la taxe sur les services numériques, le blocage par un seul pays a été résolu, sans marchandage. Le cas de la Hongrie invite désormais à s'interroger sur les raisons pour lesquelles un pays bloque une mesure qui est dans l'intérêt de tous et peut éviter la concurrence fiscale.
Des politiques publiques qui embarquent les citoyens sont toujours plus nécessaires. La Convention citoyenne pour le climat ou la conférence sur l'avenir de l'Europe en sont les symboles. Pour accomplir la transition énergétique, instaurer une taxe carbone ne suffit pas : il faut proposer des offres de mobilité alternatives aux personnes qui en ont besoin. Celles qui n'ont pas d'autre choix que de prendre leur voiture ou qui n'ont pas les moyens de rénover leur maison doivent être aidées – c'est l'objet du dispositif MaPrimeRénov'. Au niveau européen comme national, la volonté est forte de soutenir les populations les plus vulnérables mais aussi les classes moyennes, parfois oubliées, pour les aider à effectuer la transition énergétique sans en souffrir. D'où la nécessité de politiques publiques qui s'adressent à tous les citoyens, dans un souci d'égalité.
Des doutes ont été émis quant à notre capacité à faire l'unité en Europe. Or le paquet « Fit for 55 » a été voté à une très large majorité ; le ministre Gérald Darmanin est parvenu à un accord sur le pacte migratoire. Il y a aussi unité concernant les sanctions et une très forte majorité s'agissant de Schengen, des règlements DMA et DSA ainsi que des salaires minimaux.
Nous travaillons à défendre le siège du Parlement européen à Strasbourg car nous avons conscience de son importance. Comme le veut la procédure, le projet Osmose a été examiné par le groupe de travail sur les bâtiments, les transports et le Parlement vert du bureau du Parlement européen. Il a été discuté et validé lors de la réunion du Parlement européen du 6 juillet. L'ordonnateur délégué chargé de prospecter le marché, y compris pour adjoindre le bâtiment Osmose aux locaux du Parlement, devra revenir devant le bureau pour une décision finale. Il est très important d'avoir des députés européens à Strasbourg, comme il y a des banquiers centraux à Francfort ou des représentants d'autres entités européennes dans les capitales ou les grandes villes d'autres pays de l'Union. Il s'agit d'un symbole, acté dans les traités, auquel nous tenons.
La question énergétique nous préoccupe. Ce n'est pas la guerre qui provoque la rupture de l'approvisionnement : ce sont les Russes qui coupent notre accès à leur énergie – la récente décision de Gazprom l'a encore montré. Plutôt qu'un moratoire sur le marché de l'électricité, nous proposons une réforme. Pendant longtemps, le marché intérieur de l'énergie a été un facteur de sécurité énergétique. Nous risquons d'en avoir besoin : des pays nous fournissent de l'électricité grâce aux interconnexions de ce marché.
S'agissant des prix, ils doivent mieux refléter le bouquet énergétique disponible. L'électricité étant largement décarbonée en France, il est contrariant de voir son prix indexé sur le gaz. Nous sommes très mobilisés à cet égard : au mois de mars, les chefs d'État et de gouvernement ont demandé à la Commission de faire des propositions. Nous les suivrons avec beaucoup de vigilance.
Les questions de M. Amard, prises dans leur ensemble, soulèvent la question de l'équilibre entre la gestion de la crise énergétique et la transition énergétique. Nous devons expliquer à tous que notre objectif de décarbonation de l'économie – la France est bien placée pour l'atteindre – va de pair avec une tension sur l'approvisionnement en énergie pour cet hiver et le suivant.
Le Gouvernement répond à ces enjeux en prenant des mesures dans trois domaines. Le premier vise les approvisionnements : il s'agit de s'assurer que les stocks sont suffisants pour ces deux périodes. Dans cette optique, il est prévu de recourir un peu aux centrales à charbon, afin de ne pas priver des Français de chauffage ou d'électricité cet hiver. Cela doit évidemment être le plus temporaire possible.
Le deuxième volet réside dans la sobriété : les Français devront réduire leur consommation. Il est important que l'État, les administrations et les agents publics montrent l'exemple – Agnès Pannier-Runacher a récemment évoqué la nécessité de ne pas déclencher la climatisation en dessous de 26 degrés ou de ne pas chauffer au-delà de 19 degrés. Certains gestes quotidiens sont faciles à adopter. D'autres pays, comme l'Allemagne, se mobilisent.
Enfin, la solidarité européenne est capitale, pour éviter qu'une récession dans un pays voisin qui manquerait d'énergie entraîne une contraction économique en France.
Monsieur Amard, le paquet adopté sous la PFUE prévoit la fin de la vente de véhicules thermiques à partir de 2035, lobbying ou pas. Cela étant, il faut porter attention aux personnes vulnérables qui n'ont pas les moyens de changer de voiture comme à celles qui travaillent pour les entreprises que vous avez citées.
S'agissant de l'Irlande du Nord, la situation politique au Royaume-Uni ne facilite pas les discussions autour du protocole nord-irlandais – la question est d'ailleurs peu évoquée outre-Manche. Le principe est simple : lorsqu'on a signé un traité ou un protocole, on doit le respecter. Une certaine flexibilité est possible et nous avons toujours été constructifs, mais dans le respect des textes.
Le traité protège nos intérêts : il assure que les biens et les services vendus en France respectent les règles européennes et ne font pas une concurrence déloyale à nos productions, tant en matière de normes que parce qu'ils sembleraient provenir d'Irlande du Sud alors qu'ils seraient produits dans le territoire britannique. Nous restons donc constructifs et vigilants, et attendons le nouveau gouvernement britannique pour en discuter.
Madame Le Peih, soutenir nos voisins tout en protégeant notre propre modèle est l'objectif de la Communauté politique européenne, qui pourra intervenir en matière de défense, de sécurité, d'énergie. Nous devons maintenir un dialogue constructif, pour nous assurer de garder des pays amis autour des frontières européennes tout en respectant les exigences demandées pour une adhésion.