Le choix de s'intéresser au droit, aussi délaissé que dévoyé, de l'expulsion des étrangers délinquants nous semble pertinent.
L'exposé des motifs le rappelle très bien, la plupart des attentats terroristes en France sont commis par des étrangers, sans même compter les binationaux ; un tiers des personnes inscrites au fichier de traitement des signalements pour prévention de la radicalisation à caractère terroriste sont des étrangers.
Le rapport d'information rédigé par le sénateur François-Noël Buffet dresse le constat d'un droit des étrangers devenu illisible et incompréhensible, sous l'effet de l'empilement de réformes successives, de procédures inefficaces et d'un manque de moyens des services de l'État pour les appliquer.
En 2021, ont été prononcées 143 226 mesures d'éloignement, le taux d'exécution, s'établissant à 9,3 %, retours volontaires et spontanés inclus ; quant aux OQTF, au premier semestre 2021, 62 207 ont été prononcées et 3 501 exécutées, soit un taux d'exécution de 5,6 %. De surcroît, il n'existe que 1 800 places en CRA.
Notre pays souffre d'une législation erratique, de plus en plus laxiste, vidée de sa substance et privée de moyens pour être appliquée. Pour parfaire ce travail de démolition, on peut compter sur une jurisprudence européenne, qui s'impose à nos juges nationaux, complaisante avec l'immigration illégale et surprotectrice avec l'étranger délinquant. Tout le système est organisé de manière à ce que l'éloignement ne fonctionne pas.
Face à ce dysfonctionnement politique et législatif, on voit mal ce qu'une juridiction d'exception telle que la cour de sûreté de la République pourrait apporter. En premier lieu, elle est mal nommée, puisque son intitulé renvoie à la cour de sûreté de l'État, instituée par la loi du 15 janvier 1963, qui était une juridiction pénale. Ici la matière est administrative et la composition de la juridiction également. La dénomination est donc inadéquate.
En deuxième lieu, la cour de sûreté de la République est compétente en matière de droit de l'expulsion des étrangers délinquants. Or cette matière relève des juridictions administratives. Il serait assez indélicat à leur endroit de leur retirer des attributions.
En troisième lieu, la pertinence de la création d'une telle cour, tout en conservant les mêmes personnels qui seraient alors déplacés d'une cour à une autre, n'est pas évidente. L'affectation de dix conseillers d'État à son contentieux priverait les autres contentieux administratifs de leur juge de cassation. Par ailleurs, les membres de la juridiction d'exception ne pourront évidemment pas siéger dans le cas de recours en cassation dirigés contre les décisions auxquelles ils auront pris part.
Si l'idée d'attacher à chaque contentieux son tribunal spécial peut sembler séduisante, son application obligerait à repenser complètement l'ordre juridictionnel français pour éviter sa complète dislocation. Elle accroîtrait en outre l'engorgement dont souffre déjà l'ensemble du système judiciaire en France.
Le contentieux de l'expulsion des étrangers souffre de maux aigus qui portent atteinte à l'ordre public et, partant, fragilisent dangereusement notre pays. Le droit en cette matière est de plus en plus laxiste et permissif, ce qui va à l'encontre des intérêts de l'État. Les moyens de l'appliquer ont été volontairement retirés aux autorités publiques, comme à l'institution judiciaire, par complaisance à l'égard d'une certaine idéologie européenne qui poursuit des objectifs contraires à la souveraineté des États parties.
Le juge administratif ne fait qu'appliquer une réglementation qui a été vidée de toute substance. Face à cet état du droit passablement délabré, la création d'une juridiction ad hoc ne permettra pas de reprendre les rênes du contentieux.
Nous ne pourrons pas voter la proposition de loi si nos amendements ne sont pas adoptés.