Monsieur le rapporteur, de quoi parlez-vous en réalité ? Existe-t-il un vide juridique interdisant les expulsions ? Non. Les chiffres dont vous faites état ne veulent rien dire – comme souvent d'ailleurs – s'ils ne sont pas comparés à d'autres, relatifs par exemple à la ségrégation urbaine, à la concentration de difficultés dans certains territoires, au taux de pauvreté, etc. Le Parlement mérite mieux que des approximations et des slogans un peu creux. Y a-t-il une explosion de la délinquance dans notre pays ? Non. Toutes les statistiques officielles – pas celles de la NUPES – soulignent que la délinquance est globalement stable depuis quinze ans.
La « submersion migratoire » dont font état une célèbre collègue du Rassemblement national, la droite et parfois même la majorité est-elle une réalité ? Non. La proportion d'étrangers vivant dans notre pays a-t-elle augmenté ? Non, on est toujours sous les 10 % depuis les années soixante.
À quoi sert un texte de loi qui ne vient répondre à rien ? Nous ne sommes pas dans l'un des congrès de nos partis politiques. J'ai de l'affection pour les congrès – j'ai milité quelques années au parti socialiste. Mais nous ne sommes pas là pour faire des effets de tribune et nous engager dans une course à la surenchère. Nous sommes au Parlement ; nous devons réagir aux urgences du quotidien et relever les grands défis de l'avenir de notre pays.
Vous me direz, c'est M. Darmanin qui a commencé. Certes, je ne veux pas vous jeter la pierre, mais regardez les amendements du Rassemblement national : une brèche s'ouvre et ils s'engouffrent dedans ! Alors que le réchauffement climatique est là, que les inégalités explosent, que les gens crèvent de faim, ce débat sur l'immigration, lancé par M. Darmanin, va remettre pendant deux à six mois au cœur du débat public les thèmes, et les termes, de l'extrême droite.
Ce n'est pas pour cela que des millions de gens ont fait barrage à Jean-Marie Le Pen en 2002 en votant pour Jacques Chirac. Ce n'est pas non plus pour cela qu'ils ont fait barrage à Marine Le Pen à deux reprises, ce qui a permis à Emmanuel Macron d'être élu et réélu. Pour le bien de notre démocratie, je nous invite à la prudence. En s'engageant dans une course de vitesse, on risque d'aller toujours plus loin dans l'absurde et l'ignoble.
Je finirai par une citation du pape – bien loin de mes références habituelles – qui expliquait que la réponse au défi des migrations contemporaines peut se résumer en quatre verbes : accueillir, protéger, promouvoir, intégrer. Ces verbes sont beaucoup plus utiles que ceux de votre exposé des motifs, proprement scandaleux.