Intervention de Mathilde Desjonquères

Réunion du mercredi 23 novembre 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Desjonquères :

Votre proposition de loi traite d'un sujet primordial. Un débat, attendu, aura lieu à l'Assemblée nationale le 6 décembre prochain : la politique d'asile et d'immigration de la France est un sujet beaucoup trop important pour être abordé sans recul ou en réaction à des événements d'actualité.

En outre, notamment grâce au travail mené par Marielle de Sarnez, alors présidente de la commission des affaires étrangères, la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a permis des avancées considérables : accélération du traitement des demandes d'asile, rééquilibrage de la prise en charge des demandeurs d'asile sur le territoire, nouveaux instruments administratifs pour une meilleure exécution des mesures d'éloignement prononcées par les préfets.

Quatre ans après l'adoption de cette loi, il est nécessaire de lancer un acte II de la politique d'immigration de la France. C'est tout le sens de la réflexion amorcée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, conjointement avec le ministre du travail, du plein-emploi et de l'insertion.

Votre proposition de loi participe à cette réflexion, mais elle est trop précoce pour être adoptée en l'état. Elle réécrit deux articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de supprimer les protections contre les décisions d'expulsion pour les étrangers mariés avec un conjoint français depuis plus de trois ans, les étrangers qui résident régulièrement en France depuis plus de dix ans et les titulaires d'une rente d'accident du travail ou d'invalidité de plus de 20 %. Mais la proposition de loi ne remet pas en cause la protection des mineurs de moins de 18 ans, ni celle des étrangers arrivés en France avant l'âge de 13 ans.

La majorité souhaite, elle aussi, améliorer l'efficacité de la chaîne de l'éloignement des étrangers en situation irrégulière qui causent des troubles à l'ordre public. Mais le groupe Démocrate émet des réserves sur certaines dispositions de votre proposition de loi : la suppression de la protection de certaines catégories de personnes présente des risques juridiques vu l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui interdit d'expulser un étranger quand cette mesure a pour effet de porter une atteinte excessive au respect de la vie privée et familiale.

En outre, votre proposition de loi risque d'engendrer des difficultés procédurales : les personnes seront difficilement expulsables, mais ne pourront pas non plus bénéficier d'un titre de séjour, compte tenu de leurs actes de délinquance.

Enfin, vous entendez supprimer la protection concernant les étrangers titulaires d'une rente d'accident du travail. Cette disposition va à l'encontre de l'esprit du projet de loi que nous examinerons prochainement, qui prévoit la création d'un titre de séjour pour les métiers en tension. Dans ces métiers, des accidents du travail peuvent survenir, et la mesure que vous proposez constituerait une double peine pour les titulaires de tels titres.

Le sujet mérite une réflexion globale et un travail législatif de fond, loin de la précipitation et des polémiques. Cette semaine, le ministère de l'intérieur et des outre-mer a entamé des consultations en vue de l'examen d'un projet de loi. Nous débattrons donc de ces sujets très bientôt au Parlement. C'est pourquoi les députés du groupe Démocrate voteront contre votre texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion