En l'état de notre droit, la mesure d'expulsion permet, par opposition à l'obligation de quitter le territoire français (OQTF), d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, même lorsqu'il se trouve en situation régulière. Le retrait préalable du titre de séjour n'est donc pas nécessaire.
Toutefois, des réserves de niveau légal, qui ne découlent ni d'obligations constitutionnelles ni d'exigences conventionnelles, bénéficient notamment à l'étranger entré en France avant l'âge de 13 ans, à l'étranger résidant en France depuis plus de dix ans ou encore à l'étranger marié à un conjoint français depuis plus de trois ans.
En l'espèce, il s'agit de supprimer la plupart de ces protections contre les décisions d'expulsion, notamment pour les étrangers mariés avec un conjoint français depuis plus de trois ans, les étrangers qui résident régulièrement en France depuis plus de dix ans, ou encore les titulaires d'une rente d'accident du travail ou d'invalidité de plus de 20 %. Cette proposition ne remet toutefois pas en cause la protection des mineurs de moins de 18 ans, ni celle des étrangers arrivés en France avant l'âge de 13 ans.
Nous vous rejoignons sur le fait que les dispositions en vigueur ne sont pas toujours opérantes. Un trou dans la raquette organise ainsi le phénomène des « ni-ni », ces étrangers qui ne sont ni expulsables, ni régularisables. Ils ne sont pas expulsables car ils sont entrés en France avant l'âge de 13 ans, y résident depuis plus de dix ans ou sont mariés à un conjoint français depuis plus de trois ans. Des verrous législatifs, qu'on désigne par le terme de réserves, font obstacle à leur expulsion. Ils ne sont pourtant pas non plus régularisables car ils poussent l'incivilité jusqu'à la délinquance, ce qui interdit la délivrance d'un titre de séjour.
Mais il ne nous apparaît pas de bonne méthode de supprimer sèchement les réserves d'ordre public les unes après les autres. Nous n'apporterons donc pas notre soutien à ce texte, et rejetterons les amendements qui s'y greffent opportunément.
Toutefois, compte tenu des futurs travaux de notre assemblée sur la question et de l'état perfectible de notre droit, nous étudierons avec vous, si vous en êtes d'accord, l'opportunité d'une réécriture du texte en vue de la séance, dans le sens d'un assouplissement plus proportionné de ces réserves législatives d'ordre public, qui pourraient être subordonnées à des quanta de peine sous le contrôle du juge et sans remise en cause du droit à la vie privée et familiale. Nous poursuivons notre réflexion, notamment dans le cadre d'un groupe de travail interne. Nous vous demandons par ailleurs, au vu de l'importance du sujet, si vous pourriez demander son avis sur cette proposition de loi au Conseil d'État afin d'éclairer nos échanges et nos travaux. En tout état de cause, la protection des mineurs contre l'éloignement ne doit pas être remise en cause.