Je pense que tous les pays européens, parmi lesquels la France, ont réinternalisé l'idée de stock. Nous avons évolué d'une logique économique du flux tendu vers un constat des difficultés que peuvent poser cette logique en cas de crise majeure et de la nécessité de réintégrer une compréhension de la logique de stock. Cette réflexion n'est pas simplement française mais aussi européenne. Un rapport de la Cour des comptes concernait des stocks alimentaires, par exemple en Suisse ou en Allemagne. Des réflexions de toute nature sont en cours, avec toujours cette éternelle question pour déterminer qui paie le stock. Il existe des modèles extrêmement divers.
Nous avons toujours eu des stocks stratégiques, en particulier dans le domaine sanitaire, et nous continuons à en avoir de façon forte. La question est plutôt de savoir comment nous assurons leur renouvellement et leur accroissement lorsque nous anticipons une menace ainsi que leur disponibilité d'un point de vue logistique.
Il est vrai qu'une réflexion concernant la réintégration de cette notion de stock a eu lieu, puisqu'il s'agit d'un moyen permettant de tempérer la réflexion exclusivement souveraine. Au sein du SGDSN, notre réflexion sur la souveraineté porte plus sur les technologies, avec des réflexions pour préserver les technologies indispensables à la base industrielle et technologique de défense sur certaines filières qui nous intéressent particulièrement, comme les filières d'industrie et de sécurité, pour lesquelles nous avons besoin de technologies souveraines si nous voulons préserver notre modèle démocratique. Pour un certain nombre d'autres sujets, outre la dimension liée à la souveraineté, il existe surtout une dimension liée à la capacité de stockage ou de diversification des achats, permettant de sécuriser la chaîne. Cette dimension est actuellement portée par un certain nombre de ministères, comme le ministère de la santé mais aussi d'autres ministères qui travaillent sur des stocks à vocation plus stratégiques.
Ce travail est opéré mais nous ne sommes pas directement dans la réflexion. En effet, nous avons suscité l'idée qu'il fallait impérativement que tout le monde retravaille sur cette question mais une analyse des besoins et du modèle économique est ensuite nécessaire. À l'époque de la première crise pétrolière, la réflexion sur les stocks stratégiques d'hydrocarbures nous a permis de constituer une capacité à encaisser les chocs et à assurer une liberté et une autonomie d'action de la Nation pendant un temps déterminé. Nous essayons de travailler sur cette voie.
Je veux vraiment attirer votre attention sur ce point car cette dimension est partagée aux niveaux européen et « otanien ». Nous avons une nécessité de réflexion tripartite équilibrée. Sans aller au-delà de ce que je peux dire, concernant un certain nombre de sujets, en particulier ceux relatifs à la santé, l'Union européenne a développé de fortes capacités de stockage. Cette réflexion sur les stockages existe dans tous les domaines. La nouvelle structure Health Emergency Preparedness and Response Authority (HERA), qui dépend de la DGS, travaille sur les stocks de contre-mesures médicales, dont certaines peuvent nous intéresser sur les sujets de NRBC. Cette réflexion a lieu au sein des États, de la Commission et des entreprises. Le modèle économique doit maintenant être trouvé.