Le groupe Écologiste – NUPES considère que ce budget pour 2023 aurait dû marquer l'entrée dans le monde d'après, après la crise du covid, après l'année la plus chaude jamais enregistrée… Au sortir d'une crise sanitaire inédite, aux conséquences lourdes et multiples, après un été caniculaire qui a fait des ravages chez les personnes âgées, vous auriez dû proposer à la représentation nationale un budget de la sécurité sociale de rupture, car cette crise a montré le réel : un hôpital à bout de souffle, une perte de souveraineté sur des biens essentiels comme les médicaments, des maisons de retraite et des crèches qui vont parfois jusqu'à être maltraitantes alors qu'elles devraient être des lieux de sérénité. Voilà la réalité ! Il aurait fallu répondre à ces questions.
Ce budget aurait dû être celui qui, fort du bilan de cette crise, propose des solutions, mais il est identique aux PLFSS des dernières années. La hausse apparente de l'Ondam ne cache pas la baisse réelle des moyens accordés à l'hôpital. Le premier des rendez-vous manqués de ce texte, c'est l'absence de réponse à la situation actuelle de l'hôpital public, victime de l'abandon de l'État et de la course à la rentabilité.
Vos réponses ont toujours été jugées insatisfaisantes. Pourquoi ? Posez-vous la question. Pourquoi les 4 000 soignants ont-ils publié une tribune le 21 octobre pour dénoncer les problèmes et l'insuffisance des réponses qui y sont apportées, sans recevoir de réponse ? Le 30 novembre, plus de 10 000 soignants en pédiatrie ont alerté une nouvelle fois le Président de la République par une lettre ouverte publiée dans Le Monde, en rappelant l'extrême urgence dans laquelle se trouve la pédiatrie française. Nos services sont à bout ; les soignants sont à bout ; ils ne peuvent plus prendre en charge nos enfants dans des conditions dignes et appropriées à leur jeune âge et à leur fragilité.
Les épidémies de bronchiolite sont courantes à cette période de l'année, mais la situation des urgences pédiatriques s'étant dégradée chaque année un peu plus, nous sommes maintenant au point de rupture : elles ne peuvent plus y faire face. Évidemment, on pense aux enfants, aux familles, aux soignants. Ils écrivent : « Nous pensions que transférer des enfants à 300 kilomètres de chez eux était une dégradation majeure des soins, nous constatons désormais qu'il pouvait y avoir pire : ne plus pouvoir transférer […]. Nous culpabilisions d'envoyer des adolescents au sein de services adultes, ce sont désormais des enfants âgés de 3 ans que nous envoyons. »
Le président du Conseil national professionnel de pédiatrie alerte : « Cette crise est aussi importante pour les services de pédiatrie que celle qu'a pu être, pour les services adultes, le coronavirus. » En 2019, le transfert d'une vingtaine d'enfants loin de chez eux avait poussé l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) à diligenter une enquête. Ses recommandations n'ont pas été suivies d'effets : en octobre 2021, dix des vingt-quatre lits d'un service pédiatrique du CHU – centre hospitalier universitaire – de Bicêtre, qui accueille les enfants de ma circonscription, ont été fermés. En réalité, aujourd'hui, dans les services publics de notre République, l'inacceptable est devenu la norme.
Mais à force de hurler leur incompréhension et leur colère à vos oreilles qui ne les entendent pas – qui ne veulent rien entendre –, les soignants n'ont plus de voix. Alors ils préfèrent se taire, et s'en aller. Voyant qu'on ne leur donne plus les moyens de sauver les autres, ils essayent de se sauver eux-mêmes… Après tout ce qu'ils ont traversé, on ne peut pas leur en vouloir. Il y en a qui résistent encore – et je tiens à les en remercier –, mais pour combien de temps ?