Souscrivant pleinement aux propos de mes collègues, je me contenterai de revenir sur les éléments spécifiques à France Médias Monde.
Sur le plan international, le choix du mode de financement de son média n'est pas anodin. Un média financé par des recettes affectées est en général qualifié de média indépendant de service public. À l'inverse, un média financé sur le budget de l'État est perçu comme un média gouvernemental.
RFI est la radio internationale au monde qui compte le plus grand nombre de fréquences FM. Ces 158 FM constituent un extraordinaire patrimoine pour la France. Au mois de juin, nous avons été contactés par l'autorité de régulation de Berlin, où notre FM bénéficie d'un certain succès. Renouvelée depuis 1994, cette fréquence arrive à échéance dans un an. Or, l'autorité de régulation nous a fait savoir que la réforme de l'audiovisuel français remettrait probablement en cause l'attribution de cette fréquence, puisque nous ne serions plus financés par une recette affectée, mais budgétisée. En effet, l'indépendance vis-à-vis de l'État est un élément déterminant pour recevoir une fréquence FM, qui est une fréquence de souveraineté donnée par l'État et les autorités de régulation. Pour citer l'autorité de régulation, « l'indépendance de l'État implique que toute influence dominante de l'État soit exclue, tant sur le plan du droit des sociétés et de l'organisation que sur le plan financier ou économique ». Il n'appartient évidemment pas à l'autorité de régulation de Berlin de mettre en cause l'engagement politique de nos pouvoirs publics : nul ne doute que leur volonté soit de garantir cette indépendance. Toutefois, la budgétisation porte en elle le germe du doute. Orsi par hasard, par malheur, nos amis allemands décidaient de ne pas renouveler notre fréquence, le précédent pourrait être redoutable. Les pays ne manquent pas, qui trouveraient qu'il serait au fond tellement plus commode que n'existe pas une radio comme RFI, indépendante, libre, experte et qui vérifie les faits.
Lors de notre conseil d'administration réuni hier, nous avons émis la proposition suivante. Puisque le moteur de la réforme est la volonté d'améliorer le pouvoir d'achat de 23 millions de foyers ; puisque la seule véritable garantie d'indépendance opposable n'est pas la bonne foi de nos pouvoirs publics, mais le financement par une recette affectée ; puisque, enfin, le budget de l'État doit prendre en charge le budget du service public dans la réforme telle qu'elle est prévue, nous pensons que les foyers français doivent continuer à payer la redevance, puis la déduire de leurs impôts. Le service public continuerait à être financé par une recette affectée, sans que cette dernière pèse sur les foyers.
J'ajoute qu'il est souvent répété que l'indexation de la redevance sur l'inflation n'a pas été utile. L'inflation était très réduite ces dernières années : si cette dernière atteint plus de 5 %, cette indexation prend tout son sens. Nos salariés connaissent en effet de grandes difficultés, auxquelles nous ne pouvons entièrement faire face. Davantage qu'un travail, l'activité de nos équipes relève d'un véritable engagement auquel il importe de rendre justice.
France Médias Monde ne se porte pas mal, d'autant que notre budget est bien inférieur à celui de nos concurrents internationaux. Ces derniers, comme la BBC, sont dotés d'un budget jusqu'à 50 % supérieur au nôtre, s'élevant à 360 millions d'euros quand nous ne disposons que de 254 millions d'euros de redevance. En 2022, le budget de la Deutsche Welle était supérieur de 130 millions d'euros à celui de France Médias Monde. Le budget de Russia Today est quatre fois supérieur à celui de France 24. Malgré cela, nous touchons 244 millions de personnes chaque semaine, dans nos vingt langues, avec nos trois médias, partout dans le monde. La qualité de nos programmes nous rend très attractifs. L'année dernière, 2,2 milliards de vidéos et de sons ont été visionnés et écoutés. Peu de pays ont la chance de disposer d'un tel outil, qu'il faut donc faire prospérer. Nous diffusons aussi une information indépendante, experte, vérifiée, qui lutte contre les fausses informations et les manipulations tout en respectant la pluralité des opinions. Nous payons le prix fort de notre action et du fait d'être français, puisque nous sommes fermés au Mali et interdits en Russie. Nous nous évertuons à répondre aux urgences de la guerre d'information. Avec le soutien du ministère des Affaires étrangères, nous ouvrons à Bucarest une rédaction en exil pour les journalistes ukrainiens et ukrainiennesqui fuient le conflit. Une maison des journalistes est également créée avec notre filiale CFI afin de les accueillir et les soutenir psychologiquement. Outre cette rédaction en ukrainien que nous souhaitons adosser à RFI Romania, nous souhaitons renforcer nos contenus en langue russe.