Tous les acteurs réunis savent que les années à venir verront se dérouler des débats, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, du Sénat, mais également au sein des médias. Vous pouvez être certains que sur nos antennes, ce débat aura lieu de manière sereine, pluraliste et indépendante. Ces valeurs nouent le contrat de confiance entre nos médias et nos publics. S'agissant de Radio France, ce public est constitué de 16 millions d'auditeurs quotidiens et de 38 millions de Français chaque mois, dont 37 % vivent dans des communes de moins de 20 000 habitants. Cette dimension populaire et généraliste fait de nous le premier groupe de radio de France.
Pour que le débat se déroule sereinement, il est nécessaire qu'il se fonde sur des informations fiables et partagées. Or, l'information représente plus de 53 % du contenu de nos antennes. Ces tranches d'information sont celles qui ont connu la plus forte progression de leur audience ces dernières années. Pour beaucoup de Français, France Info est devenue une référence en matière d'information fiable et partagée, ce dont je suis fière, car ce site est le fruit d'une coopération exemplaire entre nous, que le contexte du dérèglement de l'information rend d'autant plus importante.
Nous vivons un moment très particulier, où il ne s'agit plus seulement de débusquer les fausses informations, mais aussi de mener une véritable guerre de territoire, afin que les informations fiables et validées soient les plus nombreuses et les plus partagées. Un travail journalistique de qualité est donc indispensable pour le bon fonctionnement de notre pays et pour contrer les dérives auxquelles nous assistons sur les réseaux sociaux. S'y diffusent en effet les informations les plus polémiques, et s'y développe un antagonisme qui divise les Français, à l'origine de l'émergence d'une société de la défiance. Les réseaux sociaux donnent souvent l'impression d'une hyperconnexion, qui est en réalité une illusion. Par ailleurs, les crises que nous avons traversées ont montré que, plus que le lien permanent, c'est le lien authentique qui compte véritablement. À cet égard, le travail mené par nos médias de proximité, et notamment par les 44 locales de France Bleu ou le réseau régional de France 3, ne pourrait être effectué par aucun acteur privé, tout simplement parce qu'il n'est pas rentable. Ce travail est en outre mené en coopération. Les matinales de France Bleu sont par exemple diffusées sur France 3. Les deux chaînes ont également créé la plateforme commune « ici ».
Pour continuer à jouer ce rôle de média citoyen, nous avons besoin de votre confiance. Nous saurons être à la hauteur, car nous avons tous engagé une transformation numérique absolument majeure. Il existe très peu de pays dans lesquels le service public est à la pointe du service digital et de l'évolution des usages. En France, c'est bien le service public qui, le premier, a créé un média global de l'information. La radio publique a inventé le modèle de l'audio de demain, qui s'écoute à la fois en direct et en podcast. En France, le service public a créé une plateforme audio digitale, qui dépasse le géant mondial du podcast, Apple Podcast. Cette plateforme contient plus de 2 millions de contenus, rassemblant des témoignages de la vie intellectuelle, politique et culturelle des dernières décennies. Les émissions de philosophie font partie de nos plus grands succès, preuve de la singularité de notre offre. Nous avons également créé cette plateforme en bonne intelligence avec nos partenaires de l'audiovisuel public, puisque des contenus d'Arte, de Radio France internationale (RFI), de l'INA ou de France Télévisions y sont disponibles.
Ces transformations ont été menées parallèlement aux importants efforts d'économies qui nous ont été demandés ces dernières années. Depuis 2018, nous avons absorbé une diminution de 20 millions d'euros de CAP, à laquelle s'ajoutent les effets de la hausse des charges courantes et du redéploiement nécessaire à notre transformation digitale, portant nos efforts à 60 millions d'économies, soit 10 % de nos ressources.
Dans un média où tout est produit en interne, et souvent par la magie du direct, ces efforts ont été réalisés en engageant cinquante-sept projets de réorganisation et en négociant avec les partenaires sociaux une rupture conventionnelle collective, provoquant 340 départs volontaires. Le chantier que nous sommes encore en train de mener est donc considérable, et une nouvelle réduction de nos crédits serait vécue comme une contre-prime à l'effort.
La question financière que vous étudiez est avant tout stratégique. Elle concerne d'abord l'indépendance de nos médias, acquis démocratique considérable et garantie de confiance de la part de nos auditeurs. Pour préserver cet acquis, il est indispensable que l'indépendance de nos rédactions et de nos lignes éditoriales ne soit pas sujette à caution et ne soit pas soumise à des débats budgétaires. C'est la raison pour laquelle une visibilité pluriannuelle et l'absence de régulations infra-annuelles sont des conditions nécessaires à l'exercice de notre métier.
En outre, nous ne pourrons continuer à mener des plans d'économies majeurs sans faire évoluer le périmètre de nos offres. Si des économies advenaient, nous serions contraints de supprimer certains de nos contenus. Les chaînes de Radio France soutiennent aujourd'hui l'activité du livre, du cinéma et de la musique, et plus de 800 événements sur l'ensemble du territoire chaque année. Nous contribuons à l'émergence de nouveaux artistes, dont certains bénéficient désormais d'une renommée internationale. Ces derniers sont accompagnés dans la durée, à contre-courant des logiques prônées par les plateformes de streaming, où 90 % des écoutes se concentrent sur un nombre réduit d'artistes, et où les carrières sont à la fois fulgurantes et fugaces. Si nous les soutenons, c'est aussi parce que nous souhaitons que nos enfants écoutent encore des artistes français à l'avenir. L'air du temps ne peut uniquement venir de Californie. La France a aussi besoin de récits nationaux.
La guerre de territoire que j'évoquais quant à l'information existe pour la vidéo, mais également pour l'audio. La radio est un média très puissant en France. Elle compte 40 millions d'auditeurs chaque jour. Elle constitue une alternative aux écrans, qui occupent tant la vie de nos concitoyens, et plus particulièrement de nos adolescents et de nos enfants. Cet enjeu nous a poussés à développer – et nous avons été les premiers à le faire – des podcasts pour enfants, comme « Les Odyssées », « Oli », « Le journal intime de Mozart » ou encore « Les mondes de Chloé ». Ces podcasts ont connu un succès considérable puisqu'ils ont dépassé les 50 millions d'écoutes le 1er janvier dernier. Notre rôle, à ce titre, va bien au-delà de ceux qui nous écoutent, car nous diffusons en France l'usage du podcast. Plus d'un podcast sur deux écouté en France est un contenu de Radio France. Enfin, nous développons l'usage du podcast en veillant à préserver les droits des auteurs et les droits voisins. Les accords que nous avons conclus à cet égard servent aujourd'hui de référence à l'ensemble de la filière.