Le traité du Quirinal constitue un pas très important dans la voie de la coopération entre la France et l'Italie. Nous partageons beaucoup de choses avec l'Italie : la France y est le premier investisseur et le premier employeur étranger, et les deux États ont souvent une vision commune, qui les distingue de leurs partenaires du Nord de l'Europe, notamment sur les questions sociale et géopolitique – je pense par exemple à l'autonomie stratégique européenne. Ce traité est amené à s'inscrire dans la durée, ce qui est heureux.
Cela étant, je ressens une grande déception. L'article 10 incite, de manière générale, à la coopération transfrontalière entre les collectivités françaises et italiennes, en mettant l'accent sur les bassins de vie frontaliers terrestres. Le traité ne contient pas un mot sur le fait insulaire corse – bien que l'île se situe à proximité du golfe de Gênes – ou sarde. C'est un manquement imputable, à nos yeux, au péché originel de la technocratie et de la centralisation. Je le regrette fortement, compte tenu de l'importance de ce texte.
Je voudrais rappeler un certain nombre de faits. La Corse est distante de 11 kilomètres de Santa Teresa di Gallura et de 80 kilomètres de l'île d'Elbe. La région de la Gallura, en Sardaigne, abrite 100 000 locuteurs de langue corse. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, l'italien était la langue officielle en Corse, même lorsque le territoire est devenu républicain. Les élites insulaires accomplissaient, jusqu'au début du XXe siècle, leurs études à Padoue et à Pise. Enfin, rappelons que la garde du pape a été, huit siècles durant, une garde corse, puisque l'île faisait partie des États pontificaux.
Le traité manifeste la volonté de doter les collectivités frontalières de « compétences appropriées pour dynamiser les échanges et la coopération », et nous nous en réjouissons. Mais il est important de reconnaître que le développement économique, social et culturel de la Corse et de la Sardaigne passe par des échanges structurés affichés comme prioritaires.
Nous espérons que le traité du Quirinal fondera une vision enfin ambitieuse de la Méditerranée. En effet, s'il aborde un certain nombre de sujets tels que le réchauffement climatique, la pollution plastique, la question des migrants, la dimension culturelle, l'intégration européenne ou encore l'enjeu universitaire, on continue à manquer d'une vision méditerranéenne intégrée.