Intervention de Marie-Agnès Poussier-Winsback

Séance en hémicycle du jeudi 1er décembre 2022 à 9h00
Expulsion des étrangers en cas de menace grave pour l'ordre public — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Agnès Poussier-Winsback :

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui vise à supprimer la quasi-totalité des protections dont bénéficient les étrangers contre l'expulsion.

Or notre droit constitutionnel et nos engagements européens recherchent un équilibre subtil mais fondamental : préserver le droit originel des États à contrôler leurs frontières et à maintenir l'ordre public sur leur territoire, tout en assurant à chacune et chacun le droit au respect de sa vie privée et familiale.

Ainsi, un étranger qui résiderait régulièrement en France depuis plus de dix ans, et qui serait parent d'un enfant français mineur résidant sur le territoire, ne pourrait faire l'objet d'une décision d'expulsion. Mais, fort heureusement, ce ne sera pas le cas si cet individu contrevient aux valeurs essentielles de notre République ou aux intérêts fondamentaux de l'État. Notre arsenal juridique est perfectible certes, mais pas hors-sol.

Ces protections ne s'appliquent pas, en effet, si l'expulsion constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique. Rappelons que ce dispositif cohabite avec celui applicable en cas de condamnation pénale d'un étranger. Les juges peuvent prononcer des peines complémentaires d'expulsion, lesquelles doivent être spécialement motivées au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger.

Nous retrouvons ici le principe de proportionnalité qui caractérise l'équilibre de notre droit. La question de l'expulsion est donc cruciale pour aujourd'hui et pour demain, pour la perception de notre État de droit dans l'opinion publique.

Le groupe Horizons et apparentés défendra toujours la fermeté. La France ne doit pas protéger les étrangers qui contreviennent à nos valeurs, qui perturbent l'ordre public, qui menacent notre sécurité. En matière d'immigration, au vu des bouleversements géopolitiques, climatiques et sociaux, il faut se dire que de très grosses difficultés sont à venir. Nous serons donc au rendez-vous des travaux sur le projet de loi relatif à l'asile et l'immigration, préparé par le Gouvernement qui, nous n'en doutons pas, cherchera un point d'équilibre entre humanité et fermeté.

Cette fermeté ne tient pas seulement aux possibilités ou contraintes que contient notre droit. Elle tient aussi et surtout à l'exécution réelle des obligations de quitter le territoire qui sont délivrées. Monsieur le rapporteur, nous partageons deux de vos constats : notre droit est perfectible, et peut être amélioré pour s'assurer de l'effectivité et de la fermeté de notre politique d'expulsion ; la situation de Mayotte nécessite une attention et un traitement sur mesure parce qu'elle est particulière.

Cependant, la fermeté ne saurait être dissociée de la rigueur juridique et du respect de nos engagements constitutionnels et européens. Rappelons que la législation relative à l'expulsion des étrangers trouve son point d'équilibre entre l'absolue nécessité de maintenir l'ordre public sur le territoire et le droit à la vie privée et familiale de chacune et de chacun.

Ce que vous nous proposez aujourd'hui vise purement et simplement à supprimer l'application de toutes ces protections sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. La protection ne s'appliquerait plus qu'à deux profils d'étranger : celui qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, et qui contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant ; celui qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans.

Oui, ces dispositions doivent être adaptées aux enjeux d'aujourd'hui et de demain, pour s'assurer que toute personne qui enfreint les règles élémentaires fondant notre contrat social puisse être facilement expulsée. Il est certes urgent d'agir – vous avez d'ailleurs rappelé les engagements pris dans ce domaine par le Président de la République. Mais il est aussi absolument nécessaire de construire un projet cohérent qui respecte nos valeurs et nos engagements.

Or, en l'état, votre proposition de loi nous semble malheureusement contraire à ces engagements qui, je le rappelle, découlent tant des traités européens que de notre Constitution. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera contre cette proposition de loi.

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