Cette proposition de loi constitutionnelle a deux intentions : l'une, visible, à laquelle le groupe Renaissance peut aisément souscrire, l'autre, cachée, qui nous empêchera de voter ce texte.
Oui, les dispositions actuelles relatives au référendum d'initiative partagée rendent cet instrument de facto inutilisable. Les seuils qui l'encadrent – un cinquième des parlementaires et 10 % des électeurs – sont trop élevés, tandis que la procédure est « dissuasive et peu lisible », comme l'a déploré le Conseil constitutionnel dans une décision de 2020.
Oui, notre démocratie souffre d'une grave crise de confiance dont l'abstention est le symptôme le plus visible. Cette crise requiert des réponses fortes ; la possibilité de donner la parole aux citoyens plus souvent et plus facilement en est une parmi beaucoup d'autres. C'est une voie que la majorité avait elle-même préconisée lors du précédent quinquennat.
Oui, le projet de loi constitutionnelle de 2019 élargissait lui aussi aux citoyens l'initiative d'un référendum en fixant des seuils identiques à ceux qui nous sont proposés aujourd'hui : un dixième des parlementaires ou un million d'électeurs.
Pourtant, monsieur le rapporteur, je vais vous décevoir. En dépit de vos efforts, l'intention cachée de votre texte n'échappe à personne. Cette proposition de loi est une sorte de Canada Dry constitutionnel : elle a la couleur, la saveur et l'odeur du référendum d'initiative partagée, mais la recette du référendum d'initiative citoyenne, le fameux RIC concocté dans les alambics du druide Mélenchon.
Ce n'est pas l'élargissement aux citoyens de l'initiative d'un référendum qui pose problème – au contraire ! –, mais le fait que votre texte autorise une concurrence délétère entre le pouvoir nouveau qui leur serait ainsi reconnu et celui de la représentation nationale. Interdire ou imposer une disposition en cours de discussion au Parlement : avec vous, ce serait permis ; avec nous, non. Revenir sur une loi normalement votée et non encore promulguée : avec vous, ce serait permis ; avec nous, non. Abroger des dispositions promulguées un an plus tôt : avec vous, ce serait permis ; avec nous, il faudrait attendre trois ans. Réciproquement, nous interdirions au Parlement de revenir sur une loi adoptée par la voie du référendum d'initiative partagée durant la même législature. Nous voulons donner à nos concitoyens le droit de proposer ; vous leur accordez le droit d'abroger.
Nous croyons aux vertus de la démocratie participative et aux moyens de la développer, mais nous ne voulons pas qu'elle abîme la démocratie représentative. Le groupe Renaissance ne votera donc pas cette proposition de loi constitutionnelle.
Notre position se justifie aussi par une seconde raison. Revitaliser notre démocratie et redonner du souffle à nos institutions sont des objectifs que nous partageons tous ici, mais qui exigent une réforme complète, cohérente, systémique et non saucissonnée au gré d'initiatives dispersées. Ce sera l'objet de la commission transpartisane sur les institutions que le Président de la République installera dans les prochaines semaines. Une réinvention du référendum d'initiative partagée devra assurément figurer au menu de ses travaux.