Il n'est pas nécessaire d'aimer la corrida pour la défendre. Les arguments ne manquent pas pour la critiquer. Ce n'est pas une question de goût mais de culture, d'héritage, de transmission et de droit à la différence, ce droit que les mêmes qui veulent interdire la corrida brandissent, à juste raison, quand il s'agit des pratiques de tel ou tel peuple à l'autre bout du monde.
Oui, la corrida peut choquer car elle nous montre cette mort que nous cachons dans des abattoirs, loin de tout regard. Elle est un anachronisme, et tant mieux : nous en avons besoin, effrayés par l'idée d'un monde qui soit toujours le même. J'ai de la tendresse et même de l'admiration pour ce peuple du Sud soulevé par l'émotion, par la bravoure, par la mort qui rôde quand il se réunit dans nos arènes, à Béziers. Il ne ressemble à aucun autre, il ne vous demande rien, juste du respect. Ce peuple, qui aime ce que vous détestez, n'aurait pas le droit de vivre parce qu'il conteste le bréviaire animaliste ?
Vous l'aurez compris, je ne conteste rien de ce qui est dérangeant dans la corrida mais je connais des taureaux libres, des années durant, sur des terres à perte de vue et je les imagine fiers de cette mort au combat. Tout cela ne parle pas aux signataires de cette proposition de loi ; je ne m'en étonne pas. Le monde dont ils rêvent et qu'ils veulent nous imposer, un monde uniforme et aseptisé, est pour moi un cauchemar.