Intervention de Anne-Laure Blin

Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Laure Blin :

En réalité, monsieur le rapporteur, vous êtes à vous seul un stéréotype, un digne représentant de ce que veulent les animalistes. À cet égard, la proposition de loi que vous nous présentez est une première pierre à l'édifice, même si vous en avez déjà accumulé un certain nombre. Vous êtes à la recherche du sensationnel et ne manifestez aucune volonté de prendre du recul. Là est précisément le problème, car vous omettez de rappeler que la corrida est une des cultures populaires reconnues par l'Unesco, par la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, que la France a ratifiée. Depuis 2011, elle fait partie intégrante de notre patrimoine immatériel, que la République et nous tous ici présents devons défendre et promouvoir.

Effectivement, la tauromachie est spécifique aux régions du sud de la France, parce qu'elles sont les seules à pratiquer cette tradition locale ininterrompue. La corrida n'est pas seulement un combat ; c'est aussi une culture, un art, une identité régionale. Bien que vous affirmiez le contraire, elle participe activement à la préservation de la biodiversité. En effet, l'élevage extensif de taureaux sauvages a largement contribué à construire l'identité du delta du Rhône. Plusieurs dizaines de milliers d'hectares de terres y sont sanctuarisés, puisqu'il faut entre 1,5 et 2 hectares par taureau pour permettre à l'animal de vivre en toute liberté et à l'état sauvage. De plus, ces taureaux sauvages sont un outil de gestion écologique : par leur piétinement et le pâturage, ils contribuent activement au maintien de la diversité de la faune et de la flore dans des milieux tels que les pelouses, les prairies, les friches et les marais, qui seraient voués sinon aux fourrés et aux bois. L'interdiction de la corrida et, à terme, de la tauromachie induira de facto la disparition de cette race bovine particulière, le taureau brave, entraînant immanquablement la fin d'un écosystème original. Ce serait un véritable non-sens pour qui se veut défenseur de la biodiversité.

En 2008, la filière taurine s'est elle-même dotée d'un guide éthique et de pratiques écoresponsables. Elle lutte activement contre les dérives et assure le respect de valeurs éthiques, écologiques, environnementales et économiques dans les élevages. Ne vous en déplaise, elle promeut des méthodes vertueuses et respectueuses de l'environnement et de l'animal. Vous vous gardez bien d'indiquer que la fin de la corrida serait aussi la condamnation de toute une économie locale. L'économie taurine produit aujourd'hui plus de 100 millions d'euros de retombées économiques et procure plusieurs milliers d'emplois dans ces territoires, où les éleveurs, les agriculteurs, les restaurateurs, les hôteliers et les commerçants sont essentiels.

Vous avez cité des chiffres. Or, d'après un sondage réalisé en juin 2022 par l'Ifop pour Sud radio, les habitants des villes taurines plébiscitent la corrida : 78 % d'entre eux considèrent que la corrida fait partie de leur patrimoine culturel ; 72 % estiment que les corridas ont toute leur place dans les fêtes ; 71 % sont opposés à toute mesure d'interdiction. En vérité, c'est vous qui faites des choix électoralistes : certains collègues l'ont relevé, vous proposez d'interdire la corrida, mais ne dites rien des combats de coqs qui restent autorisés dans le nord de la France, cher à La France insoumise.

Loin des caricatures faites par certains, qui ne connaissent pas grand-chose à ces traditions, les passionnés de corrida et ses défenseurs ne sont pas des sauvages arriérés, comme vous les décrivez ; ce sont des citoyens qui vivent pleinement dans leur temps, sont bien conscients des enjeux, notamment écologiques, et soucieux du bien-être des animaux. Dans une France qui perd ses repères et tend à sombrer dans un individualisme mortifère, c'est un non-sens de vouloir mettre fin à des traditions taurines fédératrices. C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera contre la proposition de loi.

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