Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

Cette proposition de loi constitutionnelle de Mme Panot fait suite à celle de Mme Bergé, débattue la semaine dernière, à celle du groupe écologiste du Sénat, examinée le mois dernier, et à celle que j'avais déposée avec Cécile Untermaier. Ces différents textes démontrent l'importance et l'urgence de constitutionnaliser le droit à l'IVG, alors que le 24 juin dernier la Cour suprême américaine a ouvert, par un arrêt, la possibilité de restreindre ou d'interdire le droit à l'avortement à l'échelle fédérale. Des atteintes sont également portées au droit à l'IVG dans des pays européens tels que la Pologne, la Hongrie, l'Italie et peut-être bientôt la Suède. Qui aurait pu envisager une telle situation il y a seulement quelques années ?

S'il n'existe pas de menace directe envers ce droit en France, il faut se garder de toute illusion sur ce qui pourrait advenir. C'est aussi le rôle du droit constitutionnel que de prévenir de telles atteintes. L'absence de remise en cause du droit à l'IVG en France, à l'heure actuelle, constitue précisément la raison pour laquelle ce droit peut et doit être inscrit dans la Constitution dès maintenant. Une simple loi peut restreindre ce droit, que le Conseil constitutionnel n'a jamais consacré, se montrant plutôt prudent et s'en remettant à l'appréciation du législateur. L'inscription de ce droit fondamental dans la Constitution le protégerait d'initiatives politiques visant à lui porter atteinte. Cela permettrait également de faire progresser la protection réelle du droit à l'IVG, notamment en matière d'accès aux services de santé et de gratuité. En étant la première à inscrire ce droit dans sa Constitution, la France confirmerait son attachement aux droits des femmes et enverrait un message fort aux autres pays. Le groupe socialiste avait proposé une telle consécration dès 2018, dans le cadre de la révision constitutionnelle, puis en juillet 2019 par une proposition de loi constitutionnelle.

Ces multiples initiatives ne doivent pas nous conduire à nous perdre dans des débats sémantiques, bien que plusieurs questions se posent, comme l'emplacement de ce droit dans la Constitution. En effet, il pourrait être inscrit à l'article 1er, qui pose les grands principes républicains, dans la continuité de l'alinéa relatif à la parité, ou dans un article 66-2, au sein du titre VIII traitant de l'autorité judiciaire. Nous privilégions, pour notre part, une inscription à l'article 1er. Par ailleurs, la formulation peut être négative – « nul ne peut » – ou positive – « la loi garantit ». La deuxième option, que nous préférons, a le mérite de faire référence au cadre législatif actuel, et évite de laisser supposer que personne ne pourrait se voir interdire le recours à l'IVG, y compris après les délais fixés par la loi. De plus, la formulation « la personne pouvant invoquer ce droit » semble préférable à « nul ne peut » ou « toute personne qui le demande », qui pourraient laisser entendre que le père, ou le géniteur, serait susceptible d'invoquer ce droit, comme l'ont montré plusieurs auditions. La formulation « nulle femme » est problématique puisqu'elle pourrait empêcher une personne transgenre de recourir à ce droit.

Enfin, nous nous réjouissons que cette proposition de loi constitutionnelle consacre aussi le droit à la contraception, intrinsèquement lié au droit à l'IVG, et nous voterons évidemment le texte.

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