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Intervention de Pascale Bordes

Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Bordes :

Le présent texte est plus large et encore plus sujet à caution que celui examiné la semaine dernière. Il vise à consacrer le droit à l'IVG et le droit à la contraception dans la Constitution afin de les rendre invocables devant le juge constitutionnel.

Comme je l'ai précisé la semaine dernière, ce n'est pas le fait d'inscrire des droits dans la Constitution qui permettra de résoudre la question majeure de l'effectivité de l'accès à l'IVG. Près de cinquante ans après la loi Veil, trop nombreuses sont les femmes qui ne parviennent pas à avoir recours à l'IVG dans de bonnes conditions et se heurtent à un manque de médecins, de sages-femmes et de structures hospitalières pouvant les accueillir. Ainsi, de trop nombreuses femmes sont encore contraintes de subir une IVG dans d'autres pays. L'effectivité de l'accès à l'IVG nécessite une réorganisation de notre système de soins, totalement défaillant en la matière, et l'instauration de mesures destinées, par exemple, à remédier aux déserts médicaux. L'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution, aussi symbolique soit-elle, ne permettra absolument pas de régler au quotidien le problème de toutes ces femmes.

Par ailleurs, tout comme celle du texte examiné la semaine dernière, la rédaction même de cette proposition de loi constitutionnelle est problématique. Il n'y a aucun consensus sur la manière de constitutionnaliser le droit à l'IVG puisque les différents textes, soumis tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, ont des rédactions différentes. Ces tâtonnements démontrent l'existence d'une véritable difficulté. Le ministre de la justice n'en disconvient pas, puisqu'il a déclaré au Sénat, le 19 octobre, qu'« une rédaction inadaptée pourrait en effet conduire à consacrer un accès sans condition à l'IVG. Je pense, par exemple, à des IVG bien au-delà de la limite légale en vigueur, ce qui n'est pas souhaitable ». Il expliquait qu'il partageait certaines craintes exprimées par la rapporteure, Agnès Canayer, au sujet de l'écriture de la proposition de loi constitutionnelle, identique à celle du texte que nous examinons.

La formulation proposée, selon laquelle « Nul ne peut porter atteinte au droit à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception. La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l'accès libre et effectif à ces droits » laisse penser que l'accès à l'IVG serait inconditionnel et absolu, sans possibilité pour le législateur de fixer des bornes. Il n'est pas déraisonnable de penser qu'au détour d'une question prioritaire de constitutionnalité pourrait alors surgir une demande d'IVG au-delà de la limite du délai légal.

La mention selon laquelle « la loi garantit à toute personne qui en fait la demande l'accès libre et effectif à ces droits » est également hasardeuse. Elle ouvre la porte à une forme de stipulation pour autrui en matière d'IVG. Dès lors, ce texte pourrait se révéler contraire au droit qu'il est censé protéger. Le droit des femmes à disposer de leur corps mérite mieux que ces textes maladroits, rédigés dans la précipitation, qui n'apporteront pas aux femmes une sécurité supplémentaire concernant l'IVG et la contraception, mais pourraient au contraire réduire leurs droits.

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