L'affaire des Uber Files, rendue publique par Le Monde, Radio France et un consortium de quarante-deux médias internationaux, a révélé un ensemble d'informations sur la manière dont l'entreprise Uber s'est implantée en Europe.
Des lois françaises auraient été contournées avec l'aide du ministre de l'économie de l'époque, Emmanuel Macron. Ce dernier aurait rencontré à plusieurs reprises le PDG d'Uber, Travis Kalanick, et serait intervenu, selon France 3 Régions, pour faire suspendre un arrêté préfectoral interdisant certains véhicules Uber à Marseille, en octobre 2015.
Il aurait également fait office de lobbyiste interne pour le compte d'Uber, en proposant à cette multinationale d'envoyer à des députés des liasses d'amendements – par la suite transformés en décrets – lors de l'examen de la loi portant son nom. Début 2016, un décret a ainsi réduit la durée de la formation nécessaire pour l'obtention d'une licence de VTC de 250 à 7 heures – un marché conclu sur le dos de la démocratie.
Les Uber Files dévoilent aussi qu'un lobbyiste en chef de la zone Europe, Afrique et Moyen-Orient d'Uber aurait par la suite aidé Emmanuel Macron à récolter des fonds pour sa campagne présidentielle victorieuse de 2017. Si c'était confirmé, il ne s'agirait pas d'un combat néolibéral classique, mais d'une affaire de corruption.
Par ailleurs, l'essor d'Uber a largement permis au candidat Macron de se présenter en parangon du monde nouveau, tout en faisant campagne, la main sur le cœur, au sujet de la moralisation de la vie politique – cette promesse de campagne est restée lettre morte.
Une fois l'enquête révélée, le président Macron s'est défaussé sur les travailleurs ubérisés et précarisés. Il a déclaré qu'il aurait soutenu l'implantation d'Uber pour « aide[r] des jeunes sans emploi, qui venaient de quartiers difficiles, à trouver des opportunités pour la première fois de leur vie » – ils ont bon dos.
L'entreprise Uber a développé un modèle d'exploitation de nouvelle génération, aux méthodes très brutales. Comme l'affaire McKinsey, les Uber Files démontrent le poids des intérêts économiques dans les processus de décision politique et illustrent la voracité du capitalisme, mû par la recherche prioritaire du profit au mépris des règles, des lois et surtout de l'intérêt général, qui devrait être la seule et unique boussole des décideurs publics.
Je comprends que la proposition de résolution présentée par La France insoumise déplaise, sur le fond, aux députés de la majorité qui ont participé à la campagne de 2017. Cependant, je rappelle que le contrôle démocratique est au cœur de nos missions et qu'il diffère d'une enquête judiciaire. Les contours des commissions d'enquête parlementaires et des enquêtes judiciaires sont clairement définis, et nous ne souhaitons pas aller au-delà. Le contexte d'épuisement démocratique que nous connaissons renforce la nécessité de répondre à certaines questions. Comment un tout petit groupe de personnes peut-il imposer une décision politique à l'échelle d'un pays entier, sans que les citoyens aient leur mot à dire ? Comment un ministre, avec une poignée de conseillers, peut-il décider, sans débat public, du sort d'une profession entière ? Comment ce contournement des règles de droit est-il possible ?