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Intervention de Philippe Latombe

Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Latombe :

Nul ne peut contester les riches enseignements auxquels peuvent conduire les travaux d'une commission d'enquête. Encore faut-il que sa création et son périmètre d'action respectent les dispositions constitutionnelles et le règlement de notre assemblée. Or la présente proposition de résolution ne paraît pas conforme à ces règles. Nous ne pouvons, au contraire, que constater leur dévoiement.

Si notre commission n'est pas juge de la recevabilité de la proposition de résolution, elle est fondée à vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d'enquête sont réunies, en application de l'article 140 du règlement. À cet égard, nous nous interrogeons tant sur la constitutionnalité que sur l'opportunité d'une telle commission d'enquête.

Il résulte de la lecture combinée des articles 51-2 et 24 de la Constitution qu'une commission d'enquête n'est investie que d'un pouvoir de contrôle et d'évaluation du gouvernement. L'objectif des auteurs de la proposition de résolution est à peine voilé : il s'agit de mettre en cause la responsabilité du Président de la République, alors que celui-ci est uniquement responsable devant le peuple, à l'occasion d'élections démocratiques, et devant la Haute Cour.

L'analyse de l'exposé des motifs, notamment la référence assumée au code pénal, démontre qu'il s'agit d'étudier la responsabilité de l'ancien ministre de l'économie, donc du Président en exercice, et de vérifier « s'il y a eu échange de bons procédés entre les parties citées lors de la campagne présidentielle de 2016 ». La circonstance que les faits allégués sont antérieurs à la fonction présidentielle exercée par M. Macron ne saurait justifier un quelconque détournement des textes constitutionnels.

Les affaires de la Ville de Paris mettant en cause Jacques Chirac pour des actes antérieurs à son entrée en fonction avaient posé la question de l'interprétation des dispositions constitutionnelles. Le Conseil constitutionnel s'était alors prononcé en faveur du privilège de juridiction. Après avoir rappelé qu'aux termes de l'article 67 de la Constitution, le Président de la République bénéficie d'une irresponsabilité couvrant les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions, à l'exception du cas de haute trahison, le Conseil constitutionnel avait ajouté que pendant la durée de ses fonctions, la responsabilité pénale du Président de la République ne pouvait être mise en cause que devant la Haute Cour.

Ne nous y trompons pas : en sus de la responsabilité politique, la création de cette commission d'enquête vise à rechercher une responsabilité pénale. La création d'une commission d'enquête sur les conditions de l'implantation de l'entreprise Uber, avec l'accord du Président de la République, ne saurait avoir valeur de précédent permettant au Parlement d'enquêter sur lui. Par ailleurs, la création d'une telle commission d'enquête n'aurait de sens que si celle-ci pouvait auditionner le Président.

Nous ne sommes pas davantage convaincus par l'opportunité de cette commission d'enquête. La loi Sapin 2 a permis d'encadrer l'activité des représentants d'intérêts, et la mission d'information parlementaire conduite par les députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix a mené une évaluation et formulé des recommandations importantes. En outre, une enquête pénale est en cours, ce qui soulèverait des difficultés pour les auditions.

Pour ces différentes raisons, notre groupe se prononce contre une telle proposition de résolution, qui laisserait la porte ouverte à une judiciarisation de notre assemblée.

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