La mission Santé regroupe cette année trois programmes : le programme 183, Protection maladie, qui finance les différentes composantes de l'aide médicale de l'État (AME) et, de manière plus marginale, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) ; le programme 204, Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, qui soutient d'autres actions dans le domaine de la santé ; le programme 379, nouveau, qui vise d'une part à financer la compensation à la sécurité sociale du coût des éventuels dons de vaccins à des pays tiers – aucun crédit n'est ouvert à ce titre dans ce projet de loi de finances –, d'autre part à servir de canal budgétaire pour reverser les recettes de la facilité européenne pour la reprise et la résilience (FRR) dédiées au volet investissement du Ségur de la santé. En 2023, 1,9 milliard d'euros sont prévus sur ce dernier programme, qui devrait s'éteindre en 2026. Puisqu'il ne porte pas, en tant que tel, de politique publique, j'insisterai davantage sur les deux autres programmes de la mission.
Au total, sur les programmes 204 et 183, les crédits de paiement s'élèvent à 1,437 milliard, ce qui représente une hausse significative de 11 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Les autorisations d'engagement suivent une trajectoire similaire et s'établissent à 1,433 milliard d'euros.
Depuis mars 2020, le programme 204 contribue indirectement à la gestion de la crise sanitaire, par l'intermédiaire d'un fonds de concours alimenté par Santé publique France. L'année dernière, en tant que rapporteure spéciale de la mission Santé, j'avais regretté la prolongation de l'existence de ce fonds de concours au-delà du pic de la crise. En février 2021, j'avais par ailleurs présenté à la commission des finances une communication sur le recours aux cabinets de conseil dans le cadre de ce fonds de concours. S'il a continué à financer en 2022 des dépenses liées à la crise, le fonds de concours devrait s'éteindre d'ici au premier semestre 2023.
En matière de gestion de crise, le programme 204 prendra en charge la création d'un entrepôt national de données de biologie médicale (ENDB). Cette base de données, financée à hauteur de 3,3 millions d'euros en 2022 et de 7 millions en 2023, devrait permettre d'assurer des missions de veille et de sécurité sanitaire pour des pathologies virales ou infectieuses.
Le programme 204 comprend en outre la dotation versée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam). Cette dotation couvre notamment l'ensemble des dépenses de fonctionnement et d'indemnisation du dispositif valproate de sodium, plus connu sous le nom de Dépakine. La prévision des dépenses d'indemnisation des victimes de la Dépakine est en baisse de 11 millions d'euros par rapport à 2023. Cette baisse s'explique par l'importante sous-exécution du dispositif : en 2021, l'exécution n'a été que de 16,8 millions, montant près de cinq fois inférieur à la dotation initiale. S'il est évidemment difficile d'établir des prévisions annuelles pour ce type de dépense, je pense que le non-recours au dispositif d'indemnisation demeure bien trop important et qu'il faut renouveler les efforts en matière de communication pour cibler les victimes potentielles de la Dépakine.
L'évolution du programme 183 explique pour l'essentiel la hausse de 11 % que j'ai évoquée précédemment. En effet, une fois encore, le budget de l'AME est en croissance : la programmation initiale des crédits de l'AME de droit commun s'élève à 1,141 milliard d'euros pour 2023, soit une hausse très significative, de 13 %, par rapport à 2022. La consommation de soins par les bénéficiaires de l'AME est en nette augmentation par rapport à 2022 : de 4,7 % pour les soins de ville, de 1,6 % pour les produits de santé et, surtout, de 32 % pour les prestations hospitalières. Si la hausse des tarifs hospitaliers explique une partie de cette progression, elle ne saurait l'expliquer en totalité.
Après une relative stabilité en 2017 et 2018, la population des bénéficiaires de l'AME de droit commun a augmenté de 4,9 % en 2019, de 11,6 % en 2020 et de 3,3 % en 2021. De l'aveu même de la direction générale de la santé (DGS), les facteurs qui expliquent la croissance de l'effectif des bénéficiaires sont « difficiles à appréhender en raison du manque de données disponibles et de la méconnaissance de cette population ». Je défendrai tout à l'heure un amendement visant à remédier à ce manque de données.
Enfin, la lutte contre la fraude à l'AME est en voie d'amélioration. Toutefois, les équipes des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) devraient bénéficier de moyens renforcés pour mieux exercer leur activité de contrôle. À titre d'exemple, le personnel des CPAM, qui a accès à la base de données de France Visas, ne peut consulter que les visas délivrés par la France. Ainsi, une personne qui disposerait d'un visa délivré par un autre pays de l'espace Schengen pourrait théoriquement bénéficier de l'AME. De plus, tous les visas délivrés par la France ne sont pas enregistrés dans cette base de données : les visas de court séjour des ressortissants de l'Algérie, du Cameroun, du Maroc ou encore de la Tunisie n'y figurent pas. Vous conviendrez que le dispositif de contrôle souffre encore d'insuffisances trop nombreuses.
Je vous invite à ne pas voter ces crédits.