L'AIE est une agence internationale créée en 1974, à la suite de la première crise pétrolière. Sa mission consistait originellement à assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique de ses membres. L'une des règles fondamentales pour adhérer à cette institution était d'avoir au moins quatre-vingt-dix jours assurés pour sécuriser la consommation de pétrole sur le territoire national. Le deuxième mandat de l'agence reposait sur l'approfondissement de la coopération entre les pays membres.
La mission de l'AIE est désormais de façonner un avenir énergétique sûr et durable pour tous. La sécurité de l'approvisionnement et la coopération restent au cœur de cette mission, mais s'y ajoute la lutte contre le changement climatique. Nous informons les gouvernements et les autres parties prenantes sur les tendances historiques, actuelles et futures du secteur énergétique en publiant des rapports, en présentant nos travaux et en soumettant des recommandations.
Le World Energy Outlook (WEO) expose les perspectives mondiales de l'énergie. Cette publication annuelle utilise les dernières données disponibles pour analyser les tendances du système énergétique, les émissions de CO2 et de méthane associées, et les impacts sur l'environnement et sur le climat. Comme dans toutes les analyses conduites par l'Agence, nous suivons une approche toutes énergies et toutes technologies : nous nous efforçons de conserver une ligne aussi impartiale que possible, sans tenter d'encourager l'utilisation d'un carburant ou d'une technologie en particulier.
Outre des statistiques, nous proposons des analyses de scénarios afin d'informer les parties prenantes sur des futurs plausibles du système énergétique. Nous avons construit trois scénarios cette année. Le Stated Policies Scenario (Steps) inclut toutes les politiques annoncées pour mieux comprendre quels en seront les résultats. Le deuxième est l' Announced Pledge Scenario (APS), qui intègre les nouveaux engagements pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Enfin, le Net Zero Emissions by 2050 (NZE) est un scénario normatif qui définit les actions que nous devons mener ainsi que leur échéance pour décarboner le secteur énergétique.
L'année 2022 a été marquée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie, qui a déclenché une crise énergétique mondiale. Si les pressions sur les marchés énergétiques préexistaient à cette invasion, cette dernière a fait basculer le secteur de l'énergie dans une zone de profonde turbulence. La Russie était avant 2022 le plus grand exportateur de combustibles fossiles – charbon, gaz naturel et pétrole – au monde. Cette crise cause de graves dommages à l'économie mondiale et exacerbe les pressions inflationnistes. Seule la crise pétrolière des années 1970 était d'une ampleur comparable. La flambée des prix de l'énergie et des denrées alimentaires risque de plonger l'économie mondiale vers la récession. Elle nous interroge sur la réaction que les décideurs politiques adopteront, mais nous pousse également à nous demander si cette crise peut servir de catalyseur pour opérer une transition vers un système énergétique plus durable et plus résilient.
Les gouvernements accélèrent la transition vers les énergies propres, qui incluent les énergies renouvelables, le nucléaire, les carburants propres, les réseaux électriques et le stockage, mais également, s'agissant de la demande, les améliorations sur l'efficacité ou le recours aux véhicules électriques. Dans les cinq premières années qui ont suivi la signature des accords de Paris, les investissements mondiaux dans les énergies propres sont restés stables. Il a fallu attendre 2021 pour constater un début de reprise. Cet élan est stimulé par de nouvelles politiques, notamment l' Inflation Reduction Act aux États-Unis, certains éléments du paquet Fit for 55, REPowerEU, le Green Transformation au Japon ou encore des politiques menées en Chine et en Inde. D'ici 2030, notre scénario Steps montre que les investissements annuels dans les énergies propres dépasseront les 2 000 milliards de dollars par an, soit une augmentation de plus de 50 % par rapport aux investissements actuels. Toutefois, la majeure partie de ces investissements est concentrée dans les économies avancées ainsi qu'en Chine. Or la transition énergétique nécessite également des investissements importants dans les économies émergentes et en développement. Les fabricants d'énergie propre se préparent également à des transformations plus rapides.
Le secteur de l'électricité entre dans un tournant en 2022. La croissance continue d'être soutenue par les énergies renouvelables au niveau mondial, avec un nouveau record pour le solaire photovoltaïque et l'éolien. En revanche, l'année a été particulièrement difficile pour l'énergie nucléaire, notamment en Europe et en France, en raison du retard de la maintenance causé par la crise sanitaire et des contrôles de sécurité supplémentaires non planifiés. La production de gaz naturel a également connu des difficultés en raison des prix élevés et des préoccupations en matière de sécurité énergétique. Ces phénomènes ont contribué à une augmentation de la production d'électricité à partir du charbon en Europe ainsi qu'en Asie. Le scénario Steps révèle cependant que la hausse mondiale de production de charbon n'est que temporaire. Les politiques favorisant les énergies renouvelables que j'ai mentionnées auront un poids bien plus important. En 2025, la production mondiale d'électricité à partir du charbon sera inférieure à ce qu'elle était en 2021. L'utilisation globale du charbon devrait atteindre un pic peu après 2025. À l'horizon 2030, la consommation de charbon décline de 10 % par rapport à 2021. La production d'électricité à partir du gaz naturel augmente. Les énergies renouvelables progressent de 90 %. L'énergie nucléaire, favorisée par le redémarrage de réacteurs au Japon, repart également à la hausse. Le pic d'émissions mondiales du secteur de l'électricité devrait ainsi être atteint dans les prochaines années. Cette réduction représente 5 milliards de tonnes de CO2, soit environ 15 % des émissions mondiales actuelles de ce secteur.