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Intervention de Madeleine Mahovsky

Réunion du mardi 15 novembre 2022 à 17h30
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Madeleine Mahovsky, cheffe de l'unité « énergie » d'Eurostat :

Eurostat est le service statistique de l'Union européenne. Nous fournissons des statistiques comparables au niveau de l'Union européenne. Comme tout office statistique, nous sommes strictement indépendants et nous n'intervenons pas dans les questions politiques.

Nous publions des statistiques mensuelles et annuelles sur l'Union européenne, ainsi que sur l'espace économique européen, les pays candidats à l'adhésion, et les membres de la communauté énergétique, qui rassemble par un traité international certains pays et les membres de l'Union européenne. La Géorgie et la Moldavie font par exemple partie de cette communauté énergétique, mais pas la Russie. Notre site donne accès à nos bilans énergétiques, aux statistiques annuelles et mensuelles par famille de combustibles, et aux grands indicateurs énergétiques, comme la dépendance aux importations. Nous publions également des statistiques sur les prix du gaz naturel et de l'électricité chaque semestre, par usage. Pour La France, le Sdes et non l'Insee nous fournit ces dernières données. Pour la plus grande partie de nos statistiques, nous nous appuyons sur des questionnaires partagés avec l'AIE, ce qui permet à nos différentes études d'être comparées.

Un amendement au règlement qui préside à la collection des statistiques énergétiques imposera deux changements importants en 2022. Nous produirons des statistiques plus détaillées sur les énergies renouvelables, sur l'électricité, et sur la consommation des transports et des activités de service. De plus, nous réaliserons des statistiques pour couvrir de nouveaux phénomènes, relatifs par exemple à l'hydrogène, aux batteries ou encore à la consommation d'énergie des centres de données.

L'évolution du contexte géopolitique et l'invasion injustifiée de l'Ukraine par la Russie ont fortement accéléré nos travaux et réorienté nos points d'attention. Deux nouveaux indicateurs ont été publiés. Le premier permet de mesurer la dépendance énergétique aux importations pour le pétrole, les produits pétroliers et le gaz naturel. Nous en distinguons l'origine. Ces données sont publiées pour les fournisseurs les plus importants. Deuxièmement, Eurostat est chargé de surveiller les mesures de réduction de la demande de gaz.

Les dernières données annuelles définitives dont nous disposons concernent l'année 2020. Nous publierons prochainement les données pour 2021. Les bilans énergétiques seront disponibles en janvier. Nous avons également des statistiques mensuelles et des indications partielles pour 2022.

En 2020, dans l'Union européenne, la plus grande part de l'énergie disponible brute est représentée par le pétrole et les produits pétroliers, à hauteur de 34 %, suivis par le gaz naturel, à 24 %, puis les énergies renouvelables, à 17 %. Viennent ensuite l'énergie nucléaire, qui représente 13 % de l'énergie disponible brute, et les combustibles solides fossiles, comme le charbon, dont la part s'élève à 10 %. Près de 41 % de la production d'énergie est renouvelable, et plus de 30 % sont issus du nucléaire. Les combustibles fossiles représentent 15 % de la production, le gaz naturel 7 %, et le pétrole et les produits pétroliers 4 %.

Pour la première fois en 2020, l'Union européenne a utilisé plus d'énergies renouvelables que d'énergies fossiles pour produire de l'électricité. En revanche, ce constat s'explique notamment par la crise sanitaire, car les chiffres préliminaires de l'année 2021 révèlent un positionnement en tête des énergies fossiles. La production d'électricité nucléaire conserve quant à elle une part stable.

S'agissant des combustibles, on constate une diminution du charbon et du pétrole, au profit d'une forte progression des renouvelables au cours des dernières années.

Cependant, d'importantes nuances s'observent en fonction des pays. La France produit essentiellement de l'électricité nucléaire, tandis que la Pologne utilise massivement du charbon, et que 60 % de l'énergie disponible brute en Suède est d'origine renouvelable. Dans les Balkans occidentaux, le lignite continue à représenter la part majoritaire.

Eurostat définit la dépendance énergétique aux importations comme le rapport entre les importations nettes et l'énergie brute disponible. Nous excluons donc le transit. Nous regardons l'énergie totale pour les activités sur le territoire d'un pays. Entre les années 1990 et 2019, la dépendance énergétique de l'Union européenne a progressé de 50 % à plus de 60 %. Cependant, cette dépendance a baissé en 2020, probablement en raison de la pandémie. Les chiffres préliminaires indiquent en effet que cette tendance ne se poursuit pas en 2021. Dans la plupart des pays européens, la consommation énergétique est restée relativement stable, tandis que la production nationale a diminué, en raison notamment des décisions politiques et du changement de mix énergétique. Malte et Chypre sont quasiment entièrement dépendantes de l'extérieur. Les grandes économies comme l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne ont un taux de dépendance supérieur à 60 %, qui est donc bien plus élevé que celui de la France, qui s'établit à 44,5 %. Certains pays affichent un taux bien plus faible, tels que la Suède, la Roumanie ou Estonie : ils importent seulement 10 % environ de l'énergie qu'ils consomment.

Le détail des combustibles importés est aussi marqué par des différences. L'Union européenne dépend à 95 % des importations de pétrole en 2020. Les principaux fournisseurs étaient alors la Russie, la Norvège, le Kazakhstan, les États-Unis et l'Arabie saoudite. Le taux de dépendance en gaz naturel est de 84 % en 2020. Le fournisseur principal est la Russie, suivie par la Norvège, l'Algérie, le Qatar et les États-Unis. En 2022, cependant, les importations en provenance de la Russie ont fortement diminué en raison des sanctions adoptées par l'Union européenne. Le taux de dépendance énergétique en houille est de plus de 57 %. Il reste cependant moins élevé que celui du gaz et du pétrole, en raison d'une production encore importante en Pologne et en Tchéquie.

La réponse européenne à l'invasion de l'Ukraine par la Russie a été très rapide. Depuis mars 2022, le plan REPowerEU vise à accélérer notre transition vers un mix énergétique moins dépendant des importations des pays tiers et notre transition verte. De plus, depuis août 2022, le Conseil européen a adopté un règlement afin de réduire la demande en gaz naturel au niveau européen, que nous surveillons tous les deux mois. En juin 2022, le Conseil a aussi fixé des objectifs minimaux de stockage de gaz, qui ont été atteints dans tous les pays avant le mois d'octobre. Le pacte vert doit enfin contribuer à l'accélération de la transition écologique.

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