Il serait stupide de ne pas reconnaître les avancées contenues dans ce texte, notamment l'effort budgétaire important consenti pour moderniser notre police – numérisation et rénovation –, de même qu'il serait stupide de ne pas avoir en tête l'avis du Conseil d'État, qui a beaucoup insisté sur la non-sécurisation de cette trajectoire budgétaire dans les années qui viennent.
Mais derrière l'arbre se cache, je l'ai dit, une forêt : il y a, certes, la promesse de 8 500 embauches de policiers et de gendarmes, mais si peu de choses sur la formation de ces futurs agents de l'État, sur votre vision de la police républicaine dont nous avons besoin, sur leur nécessaire connaissance approfondie de nos villes, de nos quartiers, de leurs habitants et de leurs problématiques. Il y a, certes, l'arrivée de nouveaux acteurs, comme les assistants d'enquête censés soulager les officiers de police judiciaire de tâches administratives annexes, mais dont on sait que les missions seront finalement beaucoup plus larges. Il y a, certes, le renforcement de l'accueil des victimes de violences intrafamiliales, mais aussi votre refus de juridictions spécialisées qui seraient pourtant tellement légitimes. Il y a, certes, la forte augmentation du nombre d'officiers de police judiciaire dans les années qui viennent, mais ils auront moins d'expérience et seront formés moins longtemps. Il y a, certes, la simplification de la procédure pénale, mais le texte lève trop souvent les garde-fous procéduraux ; et certes, les amendes forfaitaires délictuelles (AFD) et les plaintes en ligne sont justifiées dans certains cas mais leur principe suscite de fortes interrogations.
Pourquoi refuser la distinction entre atteintes aux biens et atteintes aux personnes, qui mériteraient un débat contradictoire devant un juge et la possibilité de se porter partie civile ? À force de simplification, vous frôlez parfois une forme de déshumanisation. Pourquoi persister dans la volonté d'infliger ces amendes, y compris en cas de récidive, ce qui constitue la preuve même qu'elles ne sont pas toujours dissuasives ? Surtout, l'élargissement des AFD aux intrusions dans les établissements scolaires et au blocage des voies de circulation pose une vraie question démocratique au regard du droit à manifester et de la légitimité de l'organisation de mobilisations sociales qui pourront ainsi être réprimées par voie d'amendes systématiques, délivrées immédiatement et sans possibilité de se défendre.