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Intervention de Emeline K/Bidi

Réunion du mercredi 9 novembre 2022 à 10h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmeline K/Bidi :

Alors que le droit à l'IVG est inexistant ou remis en cause dans de nombreux pays, nous avons la chance de discuter non pas de son bien-fondé mais de sa place dans la hiérarchie des normes.

Constitutionnaliser un droit en l'érigeant au plus haut niveau de la pyramide des normes est une décision qui nécessite sagesse et rigueur, et surtout qui oblige. À la question : « Faut-il faire entrer le droit à l'IVG dans la Constitution ? », le groupe GDR-NUPES répond sans surprise favorablement. L'importance de ce droit, qui touche à la liberté des femmes, à leur santé et à l'égalité, justifie sa place dans la Constitution, d'autant plus que les droits acquis par les femmes, dont celui à l'IVG, restent particulièrement fragiles et peuvent facilement être remis en cause. Les luttes passées sont encore celles d'aujourd'hui.

Il n'y a pas de meilleur exemple que celui des États-Unis, où le 24 juin dernier la Cour suprême a annulé une décision du 22 janvier 1973 reconnaissant le droit à l'avortement au niveau fédéral. C'est manifestement cet événement qui a conduit le parti présidentiel à présenter cette proposition de loi constitutionnelle. Cependant, bien avant la remise en question du droit à l'IVG aux États-Unis, sa constitutionnalisation avait été proposée à plusieurs reprises par la gauche lors de la précédente législature – ce qui avait été à chaque fois rejeté. Si la jurisprudence de la Cour suprême a pu faire prendre conscience de la fragilité de ce droit, nous nous en réjouissons.

Toutefois, la constitutionnalisation du droit à l'IVG ne doit pas être réduite à une réaction à la politique menée outre-Atlantique. Ce droit est aussi sans cesse attaqué en France, et il est fragile. J'en veux pour preuve le refus du Sénat de voter, le 19 octobre dernier, un texte similaire à celui que nous examinons ce matin. Le président du Sénat avait alors estimé dans la presse qu'il n'y a pas de danger menaçant le droit à l'IVG en France. La rapporteure du texte au Sénat avait assuré pour sa part qu'« il n'y a pas lieu d'importer dans notre pays un débat lié à la culture américaine […]. »

La défense du droit des femmes et le droit à l'IVG ne sont pas liés à la culture américaine. La France est le pays des droits de l'homme. Elle doit aussi être celui des droits des femmes. C'est justement parce que le droit à l'IVG a été reconnu chez nous que nous ne devons pas attendre qu'il soit gravement menacé pour l'inscrire dans le marbre de la Constitution.

Reste que, pour qu'un droit jouisse d'une protection constitutionnelle, il faut l'assortir des moyens qui en garantissent l'exercice effectif. La proposition qui nous est soumise ne dit rien à ce sujet. Or l'accès à l'IVG reste inégal en France. Chaque année, entre 3 000 et 5 000 femmes se rendent à l'étranger pour avorter. Les associations dénoncent une baisse des budgets qui leur sont alloués. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) prévoit 2,8 millions d'euros par an pour financer tous les établissements d'information, dont la moitié relèvent du Planning familial, dans l'ensemble de la France, y compris les territoires d'outre-mer. L'essentiel dépend donc des financements déconcentrés, ce qui entraîne de grandes disparités. La fermeture de nombreux centres d'IVG contribue à entretenir de fortes inégalités territoriales. Selon le planning familial, 130 centres d'IVG ont été fermés ces quinze dernières années, et d'autres sont encore menacés. Nous appelons donc le Gouvernement à garantir l'effectivité du droit à l'IVG sur l'ensemble du territoire et pour l'ensemble des Françaises, quels que soient leur origine ou leurs revenus.

Comme je le disais, la constitutionnalisation vous oblige.

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