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Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du mercredi 9 novembre 2022 à 10h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Nous ne pouvons que souscrire à l'inscription de la protection du droit à l'IVG dans la norme suprême. Nous regrettons les raisons qui nous obligent à en débattre : les évolutions législatives et sociétales montrent que les droits que l'on supposait acquis ne sont jamais gravés dans le marbre. Les avancées obtenues pour le droit des femmes à disposer d'elles-mêmes dans les années 1970 s'évaporent avec la remise en question depuis plusieurs années de l'État de droit et des libertés fondamentales. Dans les années 1970, l'accès à l'IVG était une mesure de santé publique ; aujourd'hui, nous discutons de la création d'un droit.

Le constat actuel est alarmant : une femme sur trois a recours à une IVG au cours de sa vie et une femme meurt toutes les neuf minutes à l'occasion d'un avortement clandestin. Le revirement de jurisprudence de la Cour suprême des États-Unis et l'évolution législative de nombreux pays européens – la Pologne et la Hongrie en tête – sont autant de signaux qui justifient l'inscription du droit fondamental à l'IVG dans la Constitution. Cela constituerait une première dans le monde. La norme suprême est un rempart contre toute initiative d'une majorité politique qui chercherait à revenir sur les libertés acquises.

Nous sommes donc d'accord avec le principe de la proposition de loi constitutionnelle, mais nous formulons des réserves sur le dispositif retenu.

La rédaction sous la forme d'une négation permet-elle bien d'affirmer les droits procréatifs de manière assumée ? N'y a-t-il pas une contradiction possible avec l'article L. 2212-1 du code de la santé publique, qui dispose que l'IVG ne peut être pratiquée qu'avant la fin de la quatorzième semaine de grossesse, sauf pour des raisons médicales ?

Par ailleurs, la modification de la Constitution doit être l'opportunité de garantir l'accès à l'ensemble des droits procréatif, y compris la contraception. La contraception et l'IVG – qui est une solution de dernier recours – sont intimement liées, car elles permettent aux femmes qui le souhaitent de ne pas commencer ou poursuivre une grossesse. Comme le disait Gisèle Halimi en 1972 : « Dans la logique de la contraception, je dis qu'est inscrit le droit à l'avortement. » Qui plus est, les détracteurs de l'IVG n'attaquent pas de front les droits procréatifs, mais ils rognent petit à petit le cadre légal, à commencer par l'accès à la contraception. Donner un caractère constitutionnel à ces deux droits ne sera guère suivi d'effet si leur accès n'est pas assuré – c'est encore le cas à ce jour, par manque de moyens humains et matériels, et en raison de la clause de conscience des médecins. Inscrire l'égal accès dans la Constitution oblige l'État à agir.

Il faut aussi rappeler le principe qui fonde ce droit constitutionnel de garantie d'accès aux droits procréatifs. Comme l'ont proposé les constitutionnalistes, il ne doit s'agir que de l'autonomie personnelle, c'est-à-dire du droit de disposer de soi et de choisir pour soi-même. Ce principe autonome mettrait ainsi fin à la conciliation entre la liberté de la femme, qui découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et le respect de la dignité de la personne humaine.

La place où figurerait le dispositif dans la Constitution me paraît inadaptée ; nous en discuterons à l'occasion d'un amendement.

Malgré ces remarques, notre groupe votera pour ce texte, tout comme il le fera le 24 novembre pour la proposition de loi constitutionnelle déposée par Mathilde Panot.

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