Intervention de Erwan Balanant

Réunion du mercredi 9 novembre 2022 à 10h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwan Balanant :

Nous aurions préféré ne jamais connaître un temps où la plus haute institution judiciaire d'une des plus anciennes démocraties occidentales annule le droit de recourir à l'IVG. La décision de la Cour suprême des États-Unis du 24 juin dernier est un revers historique, qui dépouille les femmes d'un droit fondamental, celui de disposer librement et en conscience de leur corps. Dans un avenir proche, les jeunes filles américaines pourraient avoir moins de droits que leurs mères.

L'ouverture de cette brèche doit nous faire réagir, afin d'anticiper un tel revers. La décision de la Cour suprême met-elle en danger notre modèle de protection des droits des femmes ? En droit, évidemment non. Mais force est de constater que si l'IVG est autorisée dans la majeure partie de l'UE, son accès est parfois difficile – comme en Pologne, en Hongrie et en Italie. Cette inégalité d'accès démontre que le droit d'avorter est fragilisé en Europe. Sommes-nous condamnés à faire fi de ce mouvement ultraconservateur au motif que nous, Français, disposerions d'un arsenal juridique suffisant ?

Même à supposer que cela soit le cas, nous ne vivons pas en vase clos. Quelle difficulté y aurait-il à renforcer l'autonomie de décision sur les questions reproductives ? Certes, l'accès à l'IVG est garanti par loi Veil. La liberté des femmes à recourir à l'IVG est reconnue par le bloc de constitutionnalité, en particulier grâce à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Et aucun parti politique n'a verbalisé à ce jour son souhait de revenir sur la loi Veil.

Pour autant, devons-nous nous accommoder de cet état de fait au motif que la Constitution n'aurait pas vocation à cataloguer des droits individuels, sous peine d'ouvrir la boîte de Pandore ? Faut-il rappeler que le droit à l'IVG ne bénéficie pas de la protection la plus forte qui soit, à savoir son inscription dans la Constitution ? Alors que les droits des femmes sont remis en question, la constitutionnalisation du droit à l'IVG serait un signal fort envoyé au reste du monde.

Il est vrai que réviser la Constitution n'est pas un exercice aisé, et que Montesquieu nous invite à l'accomplir d'une main tremblante. Légiférons néanmoins d'une main ferme pour reconnaître une liberté fondamentale, et ce d'autant plus que la solidité d'un régime démocratique se mesure à la garantie constitutionnelle apportée aux libertés. La Constitution est la loi des lois, et tout procède d'elle.

Malgré les difficultés rédactionnelles, le dispositif retenu par la présente proposition permet d'atteindre l'objectif principal de consécration constitutionnelle du droit à l'IVG. C'est la raison pour laquelle notre groupe votera en sa faveur.

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