. Enfin la majorité présidentielle s'est réveillée et propose d'inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution. Cette mesure figure depuis plusieurs années dans le programme de La France insoumise, et notre groupe politique l'a appelée de ses vœux à plusieurs reprises. En 2018, déjà, nous avions déposé au projet de loi constitutionnelle un amendement visant à garantir dans la Constitution l'accès libre et gratuit à la contraception et à l'avortement. Votre groupe avait voté contre. Nous ne pouvons que nous féliciter de votre revirement, qui contribue à améliorer la protection des droits sexuels et reproductifs des femmes.
Vous rappelez, dans l'exposé des motifs, à quel point le droit à l'avortement est « fragile ». Toutes et tous, nous avons pu constater cette fragilité récemment. Ce droit a été remis en cause de manière brutale dans plusieurs pays, où il était pourtant acquis depuis plusieurs décennies.
Nous sommes bien d'accord avec vous, ces retours en arrière sont insupportables. Comme vous, nous pensons que le droit à l'avortement doit devenir inviolable. Faut-il rappeler que la conférence mondiale sur les femmes des Nations unies considère que la liberté de décision en matière de procréation fait partie des droits fondamentaux des femmes ?
Nous avons donc déposé notre propre proposition de loi constitutionnelle à ce sujet, quelques jours avant que vous ne déposiez la vôtre. Les deux sont très proches : il s'agit de garantir le droit à l'IVG en l'inscrivant après l'article 66 de la Constitution, juste après l'interdiction de la peine de mort. Mais votre texte, à nos yeux, souffre d'une grosse lacune : il n'inclut pas le droit à la contraception.
Au fond, ce que nous devons défendre et protéger, c'est la possibilité pour les femmes de maîtriser leur fertilité et de choisir si et quand elles veulent devenir mères, ce qui implique et l'accès à l'avortement et l'accès à la contraception. Il y va de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. L'avortement et la contraception sont, pour les femmes, des droits premiers, dont découle tout le reste : l'accès à l'emploi, l'indépendance, la possibilité d'exercer leur droit de citoyennes à égalité avec les hommes et de s'investir dans la sphère publique. L'anthropologue Françoise Héritier l'a bien montré : la domination masculine commence par la maîtrise du ventre des femmes.
Nous avons donc déposé un amendement à votre proposition de loi constitutionnelle pour y inclure notre dispositif. Il s'agit de la rendre plus protectrice, en y ajoutant la garantie d'accès à la contraception.
Oui, l'avortement et la contraception sont une question de citoyenneté et d'égalité. Au lieu de débattre de l'opportunité de protéger ces droits dans la Constitution, nous devrions toutes et tous nous indigner qu'ils n'y figurent pas encore.
Non, le droit à l'avortement n'est pas suffisamment protégé dans notre pays. Il ne bénéficie pas d'une protection constitutionnelle autonome et n'a pas été consacré comme droit fondamental par le Conseil constitutionnel. Il ne tient qu'à la faveur dont il jouit auprès d'une majorité d'élus. Or les mouvements politiques réactionnaires et conservateurs montent en puissance, et des velléités de revenir sur ce droit s'expriment dans la société française.
La position de notre groupe est donc claire : nous voterons votre proposition de loi constitutionnelle, en espérant que vous voterez la nôtre. Il est de notre devoir d'envoyer un signal fort en faveur des droits des femmes.
Une question importante, que nous ne cessons de poser depuis plusieurs mois, demeure : pourquoi recourir à une proposition de loi constitutionnelle plutôt qu'à un projet de loi constitutionnelle ? Même adoptée par l'Assemblée et le Sénat, une proposition de loi constitutionnelle doit être validée par référendum pour être définitivement adoptée. Je doute que quiconque ici souhaite qu'un tel référendum soit organisé.