Le groupe Renaissance, à l'initiative d'Aurore Bergé et de Marie-Pierre Rixain, a déposé la présente proposition de loi constitutionnelle dans les tout premiers jours de la législature, le 30 juin 2022 très exactement, dans un contexte de forte inquiétude. La Cour suprême des États-Unis venait d'autoriser les États fédérés à restreindre, voire abolir le droit à l'avortement. Malheureusement, cette décision n'est pas un phénomène isolé. En Pologne, le gouvernement n'a eu de cesse, depuis six ans, d'asséner des coups de boutoir contre le droit à l'IVG, et ce dernier a été abrogé en cas de malformation grave du fœtus. En Italie, Giorgia Meloni a nommé au ministère de la famille Eugenia Roccella, qui s'est publiquement exprimée contre l'avortement. En France aussi, les idées réactionnaires gagnent du terrain.
Dans ce contexte politique incertain, l'objet du présent texte est de conférer au droit à l'IVG, dans ses modalités telles qu'elles sont définies par le droit positif, la garantie la plus forte possible dans notre ordonnancement juridique. C'est une nécessité, car, si le juge constitutionnel a eu l'occasion d'affirmer que le droit à l'avortement n'est pas incompatible avec les principes constitutionnels, il ne lui a pour autant jamais conféré une valeur constitutionnelle.
Il ressort des diverses auditions réalisées qu'il n'existe pas de rédaction parfaite ni d'emplacement idéal pour intégrer ce principe dans la Constitution. Nous avons donc fait le choix d'un texte sobre et épuré, laissant intacts le préambule et l'article 1er de la Constitution. La rédaction respecte l'esprit de notre texte fondamental, en fixant le principe d'un droit à l'IVG sans en arrêter les détails, et laissant au juge constitutionnel le soin d'interpréter ce principe à l'aune de nos débats et de l'exposé des motifs du texte.
Dans cette perspective, le groupe Renaissance votera contre les amendements visant à détailler le contenu du principe constitutionnel, mais pour l'amendement de la rapporteure qui, suivant les conseils avisés des juristes auditionnés, a pour objet d'empêcher tout tiers de se prévaloir du droit à l'IVG sur une femme. Cette précision nous semble spécifiquement nécessaire, à la lumière des pressions que subissent toujours les femmes dans l'exercice de leur droit à l'IVG.
Cette rédaction épurée permet de conférer au principe du droit à l'IVG et à son contenu tel qu'il est établi par la législation en vigueur, une valeur constitutionnelle, tout en rassemblant le consensus le plus étendu. Comme l'a dit Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, lors de son audition, nous sommes peut-être amenés à nous prononcer sur le texte le plus important et le plus fondamental de la législature.
Il est de notre responsabilité de créer les conditions pour faire aboutir la constitutionnalisation de l'IVG, vis-à-vis de l'avenir, afin que demain nos filles et nos petites-filles conservent la maîtrise de leur corps et de leur destin, quelle que soit la majorité qui sera dans ces murs, et vis-à-vis du monde, car la France deviendrait ainsi le premier pays à garantir dans sa Constitution le droit à l'IVG, envoyant un signal fort de lutte contre la tendance à la régression des droits procréatif dans le monde.