Intervention de Louis Margueritte

Réunion du lundi 11 juillet 2022 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Margueritte, rapporteur pour avis :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, depuis quelques mois, notamment sous l'effet de la reprise de l'activité et de la guerre en Ukraine, les prix à la consommation enregistrent des hausses historiques, à hauteur de 5,2 % sur un an au mois de mai dernier. Le pouvoir d'achat est une source d'inquiétude pour nos concitoyens, qui attendent des réponses concrètes.

La France a la plus faible inflation de la zone euro, notamment grâce au bouclier tarifaire mis en œuvre par le précédent gouvernement, à la « remise carburant » et à la revalorisation du barème de l'indemnité kilométrique. Ces mesures ont permis d'estomper, fût-ce insuffisamment, les premiers effets de la crise.

Le projet de loi que nous examinons est l'un des deux vecteurs du paquet « pouvoir d'achat », qui répond à trois enjeux : protéger le niveau de vie des Français face à l'augmentation des prix, améliorer la protection des consommateurs et renforcer notre souveraineté stratégique. Notre commission est saisie pour avis des articles 1er à 6, qui prévoient des mesures de protection du pouvoir d'achat, et des articles 15 à 19, qui prévoient des mesures de réponse à la crise énergétique.

L'article 1er prévoit l'instauration d'une prime de partage de la valeur (PPV), dont le montant peut atteindre 3 000 euros par bénéficiaire et par année, et 6 000 euros si elle est versée par une entreprise mettant en œuvre un dispositif d'intéressement ou par un organisme d'intérêt général. Cette mesure s'inspire assez largement de la « prime Macron » instaurée en 2019 et applicable jusqu'au mois de mars 2022, qui a connu un assez large succès. Ce levier assez puissant permet de répondre, au moins partiellement, à la question de l'augmentation des salaires. Il permet aussi de préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens et d'améliorer l'attractivité des entreprises pour les compétences.

En complément du plan « indépendants » adopté à l'unanimité à la fin de l'année dernière – c'est donc possible –, l'article 2 vise à baisser les cotisations sociales des travailleurs indépendants, nombreux sur le territoire. Le texte prévoit de faire progresser de 550 euros le pouvoir d'achat annuel de ceux dont le revenu est équivalent au SMIC. Cette mesure concernera plus de 2,2 millions de travailleurs non salariés, employés ou patrons. Elle représente un pas assez important vers la convergence entre leur effort contributif et celui des salariés, les prélèvements fiscaux et sociaux applicables aux uns et aux autres étant un peu différentes.

La protection du pouvoir d'achat des salariés dépend de l'effort que consentiront les entreprises, dont les marges peuvent être limitées, pour augmenter les salaires, au delà de la PPV. Depuis cinq ans, des mesures importantes ont été prises pour faciliter le partage de la valeur, mais elles demeurent peu utilisées dans les petites entreprises. L'article 3 du projet de loi prévoit donc d'importantes mesures de simplification en matière d'intéressement, notamment la possibilité pour l'employeur, dans les entreprises de moins de 50 salariés, en l'absence d'accord ou d'institutions représentatives, d'adopter et reconduire, par décision unilatérale, un dispositif d'intéressement – je rappelle qu'il n'existe pas d'alternative et qu'il s'agirait donc d'une amélioration pour le salarié. La durée de ce dispositif pourrait être de cinq ans.

L'article 4 donne au Gouvernement la possibilité d'actionner le levier de la restructuration et de la fusion des branches. Cette prérogative du ministre chargé du travail permet d'inciter ces dernières à négocier plus rapidement et plus régulièrement des accords sur les salaires, dans un contexte de forte inflation. Il sera tenu compte de la faiblesse, au sein d'une branche donnée, du nombre d'accords assurant aux salariés sans qualification un salaire au moins égal au SMIC. Ce critère sera utilisé, avec d'autres, par le ministre pour apprécier la nécessité d'engager une procédure de fusion de cette branche avec une branche de rattachement.

Par ailleurs, le projet de loi apporte un soutien particulier aux publics dépendant des prestations sociales et percevant de faibles revenus, plus vulnérables à la situation de forte inflation que nous connaissons. L'article 5 prévoit notamment d'anticiper au mois de juillet la revalorisation à hauteur de 4 %, selon un mécanisme analogue à celui appliqué aux aides personnelles au logement (APL), des droits et des prestations sociales – dont les pensions de retraite et d'invalidité des régimes de base, les prestations familiales, les minima sociaux, notamment l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).

Cette revalorisation anticipée aura des effets massifs : elle concerne plus de 18 millions de retraités, plus de 6 millions de familles bénéficiaires des prestations familiales, ainsi que 4,5 millions de foyers bénéficiaires de la prime d'activité et près de 2 millions de foyers bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). L'effort budgétaire afférent est estimé à 6,6 milliards d'euros en 2022 et 1,4 milliard d'euros en 2023.

L'article 6 du projet de loi, précédemment examiné, vise à indexer par anticipation les APL sur l'inflation.

Ces mesures ne sont pas uniquement des mesures de protection. Ce sont des mesures de justice, ciblant les citoyens les plus vulnérables, qui attendent des réponses très concrètes à la situation que nous traversons.

Le chapitre II du titre III comprend des dispositions relatives à la sécurité de notre approvisionnement en énergie, dans le contexte de la crise ukrainienne, qui provoque notamment de fortes tensions sur le gaz. La faible disponibilité des centrales nucléaires de notre territoire, due à l'arrêt de plusieurs réacteurs en raison de phénomènes de corrosion sous contrainte, perturbe notre système d'approvisionnement.

Pour retrouver des marges de manœuvre sur notre système électrique pour l'hiver 2022-2023, le Gouvernement projette, pour garantir l'indépendance énergétique de la France, de faire fonctionner, si nécessaire, les centrales à charbon un peu au delà du plafond autorisé. Pour procéder aux opérations de maintenance nécessaires à leur réouverture à l'hiver prochain, la reprise temporaire de l'activité est nécessaire. Elle suppose, dès à présent, le recrutement de salariés et la réembauche, sur la base du volontariat, d'anciens salariés des centrales à charbon actuellement en congé de reclassement.

Le Gouvernement a d'ores et déjà engagé la consultation sur le décret relatif à l'utilisation des centrales à charbon, dont l'incidence sur les personnes et sur l'environnement doit être la moindre possible. L'article 16 prévoit que les émissions de gaz à effet de serre (GES) dépassant le plafond autorisé fassent l'objet d'une compensation carbone sous la forme de projets de réduction des émissions de GES dans un autre secteur. Le Gouvernement sera chargé de la mise en œuvre de cette compensation, qui s'ajoute aux obligations de restitution de quotas au titre du marché carbone européen.

En outre, l'article 16 prévoit des mesures visant à réformer et à améliorer l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH), créé il y a une dizaine d'années pour ouvrir le marché de l'électricité à la concurrence, dans l'intérêt du consommateur. Il vise à améliorer la concurrence sur le marché et à faire bénéficier les consommateurs des prix les plus bas possible et d'une meilleure disponibilité de l'énergie.

Le dispositif de fourniture de secours en électricité, conçu pour protéger le consommateur en cas de défaillance de son fournisseur, est jugé insatisfaisant par la Commission de régulation de l'énergie (CRE). L'article 17 prévoit donc un transfert des droits contractuels de l'ARENH vers les fournisseurs de secours désignés, afin d'améliorer la fluidité et la continuité du service.

L'article 18, sur recommandation de la CRE, supprime l'obligation d'avoir un guichet infra-annuel d'attribution d'électricité au titre de ce programme, qui pouvait provoquer des arbitrages à mi-année.

L'article 19 procède à la validation législative du décret du 11 mars 2022 définissant les modalités spécifiques d'attribution d'un volume additionnel d'électricité pouvant être alloué jusqu'en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l'ARENH. Il s'agit de mettre un terme aux éventuels litiges provoqués par l'attribution, au début de l'année, d'un volume supplémentaire de 20 térawattheures au titre de l'ARENH. L'annulation contentieuse de ces dispositions provoquerait d'importantes perturbations, susceptibles d'entraîner des hausses des marchés et de fragiliser les fournisseurs. Il s'agit de sécuriser le dispositif.

Le texte proposé par le Gouvernement est un volet du paquet « pouvoir d'achat ». Il prévoit des mesures fortes, générales et particulières, en faveur du pouvoir d'achat, pour protéger nos concitoyens dans la situation inédite que nous connaissons. Il est associé à un projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022, pour un montant global de 20 milliards d'euros, qui s'ajoutent aux 26 milliards d'euros engagés au premier semestre.

Ces mesures sont coûteuses mais nécessaires pour protéger nos concitoyens de la flambée des prix de l'énergie et garantir que le travail paie plus que l'inactivité, grâce au soutien au partage de la valeur, à la baisse des cotisations des travailleurs indépendants et, pour ceux qui en ont plus besoin, à la revalorisation des prestations sociales. Ces mesures sont nécessaires pour nous doter des leviers permettant de sécuriser, par anticipation, notre approvisionnement en électricité pour l'hiver prochain.

J'émets un avis favorable à l'adoption des articles 1er à 6 et 15 à 19 du projet de loi.

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