Pendant le mouvement des gilets jaunes, une partie substantielle des personnes qui ont été éborgnées ne participaient même pas à une manifestation. Il s'agissait de badauds qui passaient par là, sortant d'un supermarché et se retrouvant dans une atmosphère saturée de gaz lacrymogènes, au milieu de gens affolés courant partout – car les gens qui ne participent pas à une manifestation sont affolés dans de telles conditions ; ceux qui y participent, un peu moins, mais un peu tout de même. Cela crée des mouvements de panique qui mettent en danger non seulement les manifestants eux-mêmes, mais aussi – j'y insiste – les policiers et les gendarmes pris dans la cohue.
Cela devrait vous émouvoir que des gens qui n'avaient rien à se reprocher, qui ne participaient même pas à la manifestation, se retrouvent avec un œil en moins pour le reste de leur vie. Et même parmi ceux qui participaient à la manifestation, je n'ai pas d'exemple en tête d'un casseur identifié qui aurait perdu un œil. On pourrait parler de balles perdues – d'yeux perdus pour rien, en tout cas, même pas pour dissuader des black blocs ou des casseurs d'agir. On pense à cette image, à Bordeaux, du pompier volontaire qui se fait tirer dans le dos.