La suppression de la contribution à l'audiovisuel public n'est pas à prendre à la légère. Cette question éminemment politique nous renvoie à notre conception du service public, de ses missions, de son indépendance. Or notre commission est saisie uniquement parce qu'elle l'a demandé et pour avis, car cette mesure est cachée dans un projet de loi de finances rectificative examiné en session extraordinaire, en plein cœur de l'été. Pourquoi une telle précipitation ?
Hier, la ministre de la Culture expliquait cette célérité par la volonté du Président de la République. Elle nous promettait d'ailleurs l'accès à un rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles, que nous n'avons toujours pas reçu. À présent que le Président de la République ne détient plus la majorité absolue au sein de cette assemblée, peut-être faudra-t-il s'habituer à faire autrement. Heureusement, nous avons pu rencontrer ce matin, in extremis, les responsables des sociétés et établissement concernés par la suppression de cette redevance. Il y a deux semaines, alors que s'ouvrait la législature, les salariés de ces mêmes établissements, en grève et mobilisés, nous alertaient. Au nom de mon groupe, j'ai rencontré bon nombre des syndicats et des acteurs : leurs propos confirment nos analyses, nos inquiétudes et notre défiance envers cette proposition.
Présenter cette suppression comme une mesure destinée à renforcer le pouvoir d'achat de nos concitoyens est une arnaque. Ou trouverez-vous les 3,7 milliards promis à l'audiovisuel public ? Soit les recettes augmentent, ce qui suppose que vous augmentiez les impôts, soit vous transférez des crédits et on se demande quel autre service public sera sacrifié – pourquoi pas l'Éducation nationale ou la justice ? Bref, vous donnez d'une main ce que vous prenez de l'autre. Ce ne sont pas des tours de passe-passe qui nous donneront confiance dans les prétendues garanties que vous annoncez ou les contrats d'objectifs et de moyens, dont l'inefficacité est dénoncée par les acteurs de l'audiovisuel public.
Roselyne Bachelot, alors ministre de la Culture, affirmait que 1 euro investi dans France Télévisions générait 2,40 euros de valeur ajoutée. Cette valeur ajoutée, ce sont des emplois, des œuvres culturelles, des compétitions sportives, qui enrichissent notre culture commune et contribuent à notre rayonnement dans le monde. Ne plus garantir un financement, c'est laisser la mainmise aux acteurs du privé et à leurs agendas personnels, purement financiers ou idéologiques, comme celui de l'oligarque Bolloré, qui permet la diffusion de documentaires contre le droit à l'avortement sur ses chaînes de télévision et refuse de financer un film de François Ozon sous prétexte qu'il aborde le sujet de la pédocriminalité dans l'Église. Nous venons d'ailleurs d'assister à l'exultation de notre collègue d'extrême droite.
La budgétisation entraîne une insécurité permanente pour ceux qui dirigent les services mais aussi une précarisation de leurs salariés. Ce matin, Mme Ernotte nous apprenait qu'après cinq années de plans sociaux chez France Télévisions, nous arrivions au bout de l'exercice, laissant deviner l'état critique du service public.
Budgétiser, c'est transformer nos chaînes indépendantes en chaînes gouvernementales. Nous vous invitons donc à voter contre la suppression de la CAP et la budgétisation. Pourquoi prendre une telle décision alors que 80 % des Français y sont opposés et que Julia Cagé propose, dans son rapport, d'autres scénarios. Car, nous sommes d'accord, nous ne pouvons pas conserver la CAP en l'état. Elle doit être plus juste et adaptée aux nouveaux usages. Pourquoi ne pas la rendre progressive en prévoyant différentes tranches selon les revenus ? Les Français seraient 85 % à y gagner en pouvoir d'achat. Et si nous voulons augmenter le financement du service public de l'audiovisuel, nous pouvons taxer davantage les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).
Je vous invite à suivre l'avis de la majorité des Français et à préserver le bien commun. Au contraire, si vous vous soumettez à la décision arbitraire du Président de la République, vous signerez l'arrêt de mort du service public de l'audiovisuel.