Sous-amendements associés : 3176
Publié le 1er décembre 2022 par : M. Bayou, Mme Belluco.
I. – Les toitures des bâtiments ou parties de bâtiments à usage commercial, industriel, artisanal ou administratif, des constructions de bâtiments ou parties de bâtiments à usage de bureaux ou d’entrepôt, des constructions de hangars non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation commerciale, des hôpitaux, des équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, des bâtiments ou parties de bâtiments scolaires et universitaires et des constructions de parcs de stationnement couverts accessibles au public sont recouverts, de manière partielle ou totale, d’un revêtement réflectif. La surface concernée et les modalités techniques d'application sont déterminées par décret.
II. – L’autorité compétente en matière d’autorisation d’urbanisme peut, par décision motivée, prévoir que tout ou partie des obligations résultant du présent article ne s’appliquent pas :
1° Aux constructions de bâtiments ou parties de bâtiments qui, en raison de contraintes techniques, de sécurité, architecturales ou patrimoniales, ne permettent pas l’installation des procédés mentionnés au I, notamment si l’installation est de nature à aggraver un risque ou présente une difficulté technique insurmontable ;
2° Aux constructions de bâtiments ou parties de bâtiments pour lesquelles le coût des travaux permettant de satisfaire cette obligation est manifestement disproportionné
Les critères relatifs aux exonérations définies aux 1° et 2° du présent II sont précisés par décret en Conseil d’État.
Cet amendement ambitieux vise à recouvrir les toitures, sauf contraintes majeures liées entre autres à l'architecture ou au patrimoine, d'un revêtement réflectif. Repeindre les toits en blanc est une solution simple et à portée de main qui constitue un tournant radical dans notre prise de conscience collective d'une adaptation au changement climatique. Face aux canicules à répétition, ce changement urbanistique est un levier important pour réduire les îlots de chaleur urbains, limiter les émissions de gaz à effet de serre et réduire la consommation énergétique de la France. Il vise à endiguer le phénomène qui consiste à user davantage de la climatisation face aux fortes chaleurs répétées, ce qui aggrave le réchauffement climatique et augmente nos besoins énergétiques. Cette solution d'avenir permet de briser un cercle de dépendance énergétique et de pollution.
Sur l'effet albédo :
L’effet d’albédo est la capacité d’une surface à réfléchir l’énergie solaire. Plus la surface est claire, plus l’albédo est élevé.
La peinture blanche - dont l’indice réflectant solaire (IRS) est égale ou supérieure à 100 - va permettre de renvoyer une grande partie des rayons du soleil vers l’atmosphère. La toiture reste à température ambiante, ce qui limite sa surchauffe pendant la période estivale et a fortiori durant les canicules (jusqu’à 7 degrés de différence). Le température à l’intérieur du bâtiment est ainsi régulée, ce qui permettra d’éviter ou de diminuer l’utilisation de la climatisation, qui est nocive pour l’environnement et qui impacte grandement notre consommation électrique. En effet, comme le rappelle un état des lieux dressé par l’ADEME en 2020, les équipements de climatisation impactent gravement l’environnement. Les fluides frigorigènes chargés dans les équipements contribuent fortement à l’émission de gaz à effet de serre. De plus, les systèmes de climatisation consomment une proportion importante d’énergie. En 2020, les émissions totales du secteur bâtiment sont estimées à 80 MteqCO2. La climatisation de confort dans le résidentiel et le tertiaire représente 5 % de ces émissions. C’est non négligeable.
Les canicules se sont répétées en France à l’été 2022 et elles n’auront de cesse de s’accentuer. La peinture blanche réfléchissante est donc une solution simple et efficace de sobriété énergétique et d'adaptation au changement climatique. Les îlots de chaleur urbain créés par ces canicules entraînent une situation sociale intenable pour les Français-es, mais également une pression énergétique non supportable pour la France, alors qu’il faut tant réduire notre consommation énergétique que la diversifier grâce aux énergies renouvelables.
Sur la recevabilité :
La liberté d’amendement est l’expression du pouvoir législatif du Parlement. L'article 44, alinéa premier, de la Constitution de 1958, dispose que « les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement ». C’est un pilier de notre tradition républicaine et du fonctionnement de la représentation nationale.
La liberté d’amendement n’en est pas moins contrôlée par un ensemble de règles de recevabilités liées aux articles 40 et 41 de la Constitution, ainsi que l’article 45 qui dispose que « sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. ». Le contrôle de l’article 45 s'exerce au regard du contenu du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie.
Si la notion de lien indirect n’est pas strictement définie par le Conseil constitutionnel, ses décisions successives relatives à l’existence d’un lien « direct ou indirect » montrent néanmoins la cohérence et la stabilité de l’appréciation de ce dernier sur l’article 45 de la Constitution.
En l’espèce, nous nous référons à la décision n° 2013-666 DC du 11 avril 2013 portant sur la loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.
Dans cette décision, le Conseil constitutionnel se prononce sur une série d’articles modifiant les dispositions du code de l’énergie, du code de l’environnement et du code de l’urbanisme relatives aux installations éoliennes en métropole et dans les départements d’outre-mer afin de faciliter leur implantation. Ces éléments ont été introduits par amendements en première lecture à l’Assemblée nationale. En effet, la proposition de loi initiale présentée par MM. François Brottes et Bruno Le Roux le 6 septembre 2012 était simplement intitulée « proposition de loi instaurant une tarification progressive de l’énergie » et visait essentiellement à l’instauration d’un bonus-malus portant sur les consommations énergétiques des ménages. Suite au débat parlementaire, la proposition de loi a été considérablement élargie, tout en respectant les prérogatives de l’article 45 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel juge dans le considérant 31 de sa décision : « ces articles, destinés à faciliter l'implantation d'éoliennes sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer, tendent à accélérer « la transition vers un système énergétique sobre » dans un contexte de « hausse inéluctable des prix de l'énergie » ; qu'ils présentent ainsi un lien avec la proposition de loi initiale ; qu'ils ont été adoptés selon une procédure conforme à la Constitution ».
Dans un texte destiné à parvenir à un nouveau système énergétique centré sur la sobriété, des dispositions portant sur l’implantation d’éoliennes ont été jugées recevables et conformes à la Constitution. Inversement, le projet de loi sur les énergies renouvelables, dont le contenu du texte concerne le déploiement d’éoliennes et d’installations d’énergies renouvelables, ne peut pas être exempts de dispositions sur la sobriété énergétique ou toutes autres dispositions permettant de limiter la consommation d’énergie dans une perspective d’un déploiement efficace des énergies renouvelables. Ce lien a été admis par le Conseil constitutionnel dès 2013 et justifie les amendements sur des dispositifs tendant vers un baisse de la consommation énergétique, tel que le plan Albédo.
Le raisonnement du Conseil Constitutionnel est sans appel : le développement et déploiement des énergies renouvelables ne peuvent s’envisager et se mesurer que par rapport à une évaluation énergétique globale. En effet, dans un monde fini, le foncier n’est pas illimité et les possibilités d’implantation de projets d’énergies renouvelables ne sont donc pas illimitées. Les projets, même dans l’optique où ils sont facilités par des modifications législatives successives, ne pourront répondre à une consommation énergétique qui n’aurait de cesse d’augmenter. Ce projet de loi visant à l'accélération des énergies renouvelables doit donc nécessairement prendre en compte les enjeux de sobriété, d’efficacité et de réduction de la consommation d’énergie, qui font partie intégrante du mix énergétique.
Il est à noter que ce lien, validé par le Conseil constitutionnel, est également établi par le législateur lui-même. Dans l’article L.100-4 du code de l’énergie, les objectifs de la politique énergétique de la France répondent à plusieurs objectifs formant un ensemble et qui, interdépendants les uns des autres, forment la politique globale énergétique de la France pour répondre à l’urgence climatique et écologique. Dans ces objectifs, le paragraphe 1° portent sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la neutralité carbone, le paragraphe 2° porte sur la réduction de la consommation énergétique finale en comptant notamment sur les efforts des bâtiments et des transports, le paragraphe 4° sur la part des énergies renouvelables et le paragraphe 7° sur une politique de rénovation thermique des logements. Ainsi, si le projet de loi sur l'accélération des énergies renouvelables concerne immédiatement le paragraphe 4° de l’article L.100-4, il ne peut pas être décorrélé d’un ensemble de mesures qui correspondent à une politique énergétique globale. Le projet de loi adopté par le Sénat en première lecture, et qui est ouvert à amendement à l’Assemblée nationale, comporte d’ailleurs de nombreuses références à l’article L.100-4 dans ses dispositions (à l’article 4 bis A (nouveau), à l’article 11 decies (nouveau), à l’article 16 ainsi qu’à l’article 19).
En conclusion, le contrôle du Conseil constitutionnel s’explique par l’exigence de la sincérité du débat parlementaire et de la cohérence législative. Ce nécessaire contrôle est ainsi justifié et légitime tant qu’il est appliqué avec sérieux et raison. L’article 45 ne peut pas, au contraire, être utilisé dans le but de limiter excessivement le débat parlementaire, de faire taire des oppositions ou des remarques légitimes sur un projet de loi ou une proposition de loi ou permettre à la majorité d'esquiver un débat pertinent.
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