Publié le 9 novembre 2022 par : M. Vincendet.
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
I. – L’article 230‑32 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’accès à un appareil électronique et l’utilisation de ses fonctionnalités de géolocalisation à l’insu ou sans le consentement de son utilisateur peut être autorisé dans les mêmes conditions, aux seules fins de procéder à la captation des données de localisation mentionnées au premier alinéa.
« En vue d’effectuer les opérations techniques mentionnées à l’alinéa précédent, le procureur de la République ou le juge d’instruction peut désigner toute personne physique ou morale habilitée et inscrite sur l’une des listes prévues à l’article 157. Il peut également prescrire le recours aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale selon les formes prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier. »
II. – Après l’article 706‑96‑1, il est inséré un article 706‑96‑2 ainsi rédigé :
« Art. 706‑96‑2. – Au cours de l’enquête ou de l’information, lorsque la mise en œuvre des dispositions des articles 100 et 706‑96 n’est pas réalisable au regard de l’impossibilité de préalablement identifier les lieux de mise en œuvre de ces techniques, du risque de compromettre la poursuite des investigations, des risques d’atteinte à la vie et à l’intégrité physique des personnes chargées de cette mise en œuvre ou lorsque le recours à ces techniques n’a pas permis de contribuer à la manifestation de la vérité, le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction peut autoriser, sous son contrôle, l’accès à un appareil électronique et l’utilisation de ses fonctionnalités, à l’insu ou sans le consentement de son utilisateur, aux seules fins de procéder à la la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement des données d’image ou de son mentionnées à l’article 706‑96.
« La mise en place du dispositif technique mentionné au présent article ne peut concerner les appareils électroniques utilisés par les personnes mentionnées à l’article 100‑7.
« Le procureur de la République ou le juge d’instruction peut désigner toute personne physique ou morale habilitée et inscrite sur l’une des listes prévues à l’article 157, en vue d’effectuer les opérations techniques permettant la réalisation du dispositif technique mentionné aux premier et deuxième alinéa du présent article. Il peut également prescrire le recours aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale selon les formes prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier.
« À peine de nullité, ne peuvent être conservées, transcrites ou décrites les données captées concernant les personnes mentionnées à l’article 100‑7 et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 100‑5. »
III. – L’article 706‑97 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’il est fait application des dispositions de l’article 706‑96‑2, la décision décrit précisément l’appareil visé par le dispositif .
« Les dispositions relatives à l’autorisation et à la désignation de la personne ou du service habilité à la mise en place du dispositif technique mentionnées aux articles 706‑102‑1 et 706‑102‑5 sont applicables. »
Les services d’enquête sont confrontés aujourd’hui à des délinquants de plus en plus aguerris. Pour déjouer le travail des forces,ceux-ci surveillent souvent étroitement les véhicules et lieux privés dans lesquels ils échangent pour éviter ou détecter la pose de matériel permettant ces captations ou leur localisation. La mise en place des dispositifs techniques prévus aux articles 706-96 et 230-32 du CPP est ainsi fréquemment écartée par les enquêteurs, par crainte d’attirer l’attention des délinquants faisant l’objet d’enquête pour des faits de criminalité organisée et de révéler la stratégie établie ou tout simplement parce qu’elle exposerait la vie des agents chargés de cette mission. De même, le recours aux moyens de communication chiffrés limite de plus en plus la capacité des enquêteurs à accéder aux communications électroniques des mis en cause dans le cadre d’une interception judiciaire. Or nous ne pouvons pas laisser nos forces être dépassées par les criminels.
Il est ainsi nécessaire de prévoir la possibilité pour les enquêteurs, lorsqu’ils sont confrontés à ces obstacles majeurs pour la conduite des opérations permettant de caractériser l’infraction, de recourir à la mise en place d’une technique consistant à utiliser un appareil connecté du mis en cause pour enregister les images et les paroles prononcées ainsi que ses données de localisation.
Un appareil connecté peut en effet être utilisé comme un moyen technique et une nouvelle source d’informations précieuses pour les enquêteurs en vue de recueillir des preuves et des indices pour matérialiser les faits relevant de la criminalité organisée (exemple : établir la matérialité d’un trafic de stupéfiants, d’un réseau de proxénétisme etc.) lors d’enquêtes où l’enjeu principal réside souvent dans la caractérisation de l’infraction.
Aussi, l’extension des techniques spéciales permettant d’accéder aux appareils connectés en vue d’enregistrer des images ou des paroles prononcées ainsi que des données de localisation faciliterait d’une part l’identification des auteurs et d’autre part la collecte souvent délicate d’indices et de preuves en matière de criminalité organisée.
Pour garantir la proportionnalité de cette technique d’enquête, des garanties procédurales très strictes sont apportées.
En premier lieu est prévue une garantie nouvelle : la subsidiarité du dispositif de sonorisation, auquel il ne sera possible de recourir que dans des cas déterminés et limitatifs :
· l’impossibilité de préalablement identifier les lieux de mise en œuvre de ces techniques
· le risque de compromettre la poursuite des investigations (se faire détecter par les mis en cause en cas d’utilisation d’un technique de sonorisation « physique »)
· les risques d’atteinte à la vie et à l’intégrité physique des personnes chargées de cette mise en œuvre
· lorsque le recours à d’autres techniques n’a pas permis de contribuer à la manifestation de la vérité
Il appartiendra aux enquêteurs de justifier auprès de l’autorité judiciaire de ces éléments pour obtenir l’autorisation de recourir à cette technique.
En second lieu, ces techniques de sonorisation et de captation d’image restent encadrées par les autres dispositions du code de procédure pénale, qui prévoient :
- une mise en œuvre conditionnée à des exigences de nécessité de l’enquête ou de l’instruction ;
- une application limitée aux infractions entrant dans le champ d’application des faits relevant de la criminalité et de la délinquance organisées ;
- une autorisation par ordonnance écrite et motivée du juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République ou du juge d’instruction ;
- une durée limitée ;
- la retranscription et le versement au dossier des seules données enregistrées utiles à la manifestation de la vérité en excluant toutes les séquences relatives à la vie privée étrangère aux infractions poursuivies ;
- l’interdiction de mettre en œuvre ce dispositif technique sur un appareil appartenant à des personnes ou dans des lieux protégés (cabinet ou domicile d’un avocat, locaux d’une entreprise de presse, cabinet d’un notaire, d’un médecin ou d’un huissier, juridiction ou domicile d’un magistrat) ;
- l’obligation de supprimer toutes les données captées (images, sons, localisation) dans les conditions prévue aux articles 100-5 CPP (les échanges avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense et couverte par le secret professionnel de la défense et du conseil et les échanges avec un journaliste) et 107 CPP (les conditions spécifiques pour capter les données d’un député, d’un sénateur, d’un avocat ou d’un magistrat). Le magistrat autorisant la mesure est aussi chargé de la contrôler et de détruire tout PV qui serait dressé en contradiction avec les dispositions du code de procédure pénale (article 706-95-14, applicable aux techniques spéciales d’enquête dont celle qui est complétée par le présent amendement).
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