Publié le 9 novembre 2022 par : M. Guitton, les membres du groupe Rassemblement National.
Le code pénal est ainsi modifié :
I. – L’article 122‑6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est également présumé avoir agi en état de légitime défense le fonctionnaire de la police nationale, le militaire de la gendarmerie nationale, le militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321- du code de la défense ou l’agent de la police municipale qui a dû se défendre ou défendre autrui contre une atteinte injustifiée. »
II. – L’article 122‑4‑1 est ainsi rétabli :
« Art. 122‑4‑1. – N’est pas pénalement responsable le fonctionnaire de la police nationale ou le militaire de la gendarmerie nationale, qui, pour se défendre ou défendre autrui contre une atteinte injustifiée, s’est trouvé dans l’obligation d’utiliser son arme, dès lors que l’usage de cette arme est intervenue dans les conditions prévues par l’article L 435‑1 du code de la sécurité intérieure. »
La légitime défense est prévue comme un cas d’irresponsabilité pénale par l’article 122-5 du code pénal (qui, dans sa formulation, a intégré des principes dégagés par la jurisprudence sur l’ancien texte issu du code de 1810), ainsi rédigé :
« N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte.
N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction ».
L’article 122-6, qui suit, prévoit deux cas de présomption de légitime défense, repris de l’ancien code :
1° Pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;
2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence.
Ces deux derniers cas sont presqu’anecdotiques, et, ne prévoient qu’une présomption simple ; tandis que, de son côté, le texte général (premier alinéa de 122-5), dans la ligne de la jurisprudence, est très restrictif et fait obstacle, fréquemment, à la reconnaissance de la légitime défense du fait de la triple condition (1°) de concomitance de l’agression et de la réaction, (2°) de nécessité de cette riposte, et, (3°) de la proportionnalité des moyens de cette riposte avec la gravité de l’atteinte.
Ainsi, régulièrement, des cas viennent défrayer la chronique et choquer nos concitoyens par le sentiment d’une profonde iniquité à refuser le bénéfice de cette irresponsabilité à des gens victimes de violences, contre leurs personnes ou leurs biens, qui, dans le feu de l’action, ont réagi en tuant ou blessant gravement leurs agresseurs, se retrouvant poursuivis, voire condamnés (exemple de l’affaire dite « du bijoutier de Nice »).
Le tempérament apporté par le second alinéa, dans l’hypothèse d’un crime ou délit contre un bien en train de se commettre, est d’autant plus limité dans son champ d’application, qu’il exige la double condition de nécessité (qualifiée ici « stricte ») et de proportionnalité des moyens, excluant à cet égard l’homicide volontaire.
Certes, il faut prévenir les dévoiements et détournements de cette faveur de la loi, si justifiée qu’elle soit ; mais par idéologie anti-pénale, on en est arrivé à oublier que sa légitimité tient à ce qu’il s’agit de permettre à un simple citoyen, lorsque la puissance publique n’est pas là pour riposter et empêcher la commission d’une infraction, de le faire à sa place –soit, à la place des forces de l’ordre dont c’est, par définition, la mission.
C’est pourquoi, ces règles apparaissent singulièrement inadéquates quand il s’agit des forces de l’ordre elles-mêmes.
En l’état du droit, les membres des forces de l’ordre, policiers, gendarmes, agents municipaux, sont, dans l’exercice de leurs missions, soumis à cet égard aux mêmes règles que tout un chacun.
Si, bien entendu, hors de leurs missions, dans le strict cadre de leur vie privée, cela ne fait pas difficulté, il n’en est pas de même dès lors qu’en service ou, même, parfois, en dehors de leurs service, ils agissent en leur qualité de défenseurs de la loi et de protecteurs de l’ordre, de la sécurité et de la tranquillité publics.
Si, depuis peu de temps, les règles d’usage des armes ont été unifiées (article L435-1 du code de la sécurité intérieure –dont texte in fine) pour la Police nationale et la Gendarmerie par la loi 2017-258 du 28 février 2017, qui a créé l’article précité, ça été au prix de l’abrogation, par la même loi, d’un article 122-4-1 du code pénal (créé par la loi 2016-731 du 3 juin 2016) : or, cet article prévoyait, au profit des policiers, gendarmes, militaires requis pour une mission d’ordre public et agents des douanes, une cause spéciale d’irresponsabilité pénale pour celui d’entre eux qui aurait fait « un usage absolument nécessaire et strictement proportionné de son arme dans le but exclusif d'empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d'un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d'être commis, lorsque l'agent a des raisons réelles et objectives d'estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont il dispose au moment où il fait usage de son arme. »
Symboliquement, c’était donc une régression pour les forces de l’ordre, qui ne voient pas reconnue la place tout à fait particulière qui est la leur dans la protection publique, avec les risques qu’elle comporte. En même temps, outre que la question de la légitime défense, à leur égard, ne se limite pas à celle de l’usage des armes (les circonstances peuvent faire qu’ils soient amenés à riposter par d’autres moyens), l’encadrement de cet usage est, en lui-même, sans rapport avec l’octroi de la légitime défense (le fait d’avoir usé de son arme à bon escient et dans les conditions légales ne dispense en rien de toutes les conditions de la légitime défense –même si, en bon sens, on peut juger que cela met l’agent dans une position a priori plus favorable).
Le présent amendement vise donc à rétablir dans le code pénal, quand il fixe le régime même de la légitime défense, des dispositions spécifiques aux forces de l’ordre, plus adaptées et d’application plus générale que celles introduites en 2016 et abrogée.
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