Publié le 27 octobre 2022 par : M. Vicot, M. Saulignac, Mme Karamanli, Mme Untermaier, Mme Thomin, Mme Pic, les membres du groupe Socialistes et apparentés.
I. – L’État peut autoriser, pour une durée maximum de trois ans, l’expérimentation suivante : par redéploiement des moyens et effectifs existants, trois cours d’appel, déterminées par un arrêté du ministre de la justice dans trois régions différentes, instituent dans leur ressort, à compter de la date fixée par cet arrêté, un tribunal et une chambre d’appel en charge des violences sexuelles, intrafamiliales et conjugales.
Cette juridiction connaît :
1° Des infractions prévues et réprimées par les articles 222‑22 à 222‑33, 222‑33‑1‑1, 222‑33‑2‑1, 225‑12‑1 à 225‑12‑4 du code pénal ;
2° Des infractions prévues et réprimées par les articles 221‑1 à 221‑5‑1, 222‑1 à 222‑18‑3, 223‑10, 223‑11, 223‑13, 225‑4‑1 à 225‑12, 227‑5 à 227‑11, 227‑21‑1 à 227‑28‑3 du code pénal, lorsque les faits ont été commis par le conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité, actuels ou anciens de la victime, ou sur un mineur par une personne ayant autorité de droit ou de fait sur lui ;
3° Des décisions relatives à l’autorité parentale, au droit de visite et d’hébergement, d’enfants de victime ou d’auteur des infractions mentionnées au 2° et statue sur l’ordonnance de protection prévue aux articles 515‑9 à 515‑13 du code civil.
II. – Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation. L’ensemble des acteurs judiciaires est associé à cette évaluation afin de déterminer si cette expérimentation doit être généralisée à l’ensemble des cours d’appel.
Cet amendement du groupe socialistes et apparentés vise à permettre une expérimentation de juridictions spécialisées en matière de violences conjugales, intrafamiliale ou de nature sexuelle. Il s'inspire des initiatives portées au Sénat par Marie-Pierre de la Gontrie et Laurence Rossignol.
La rédaction de cet amendement suit de manière scrupuleuse les conditions de recevabilité énumérées par le rapport "sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l’Assemblée nationale" présenté par M. Eric Woerth :
- L'expérimentation est à la main de l'Etat;
- Elle est limitée à 3 ans maximum;
- Elle fait l'objet d'une délimitation géographique : 3 cours d'appel dans 3 régions différentes;
- L'expérimentation est réversible puisqu'elle s'opère par redéploiement des moyens et effectifs existants.
- L'objet de cette expérimentation est défini, réalisable et précis. Il s'agit d'évaluer les effets d'une spécialisation de juridictions pour les affaires de violences sexuelles, intrafamiliales et conjugales.
Ces dernières années, plusieurs projets ou propositions de loi visant à renforcer la lutte contre les violences conjugales, intrafamiliales, ou de nature sexuelle, ont permis des avancées significatives : la pénalisation accrue des violences sexuelles sur mineur de 15 ans, la qualification pénale de l’inceste, la reconnaissance de l’abus d’autorité en matière d’agression sexuelle, l’allongement des délais de prescription ou encore l’augmentation de la portée de l’ordonnance de protection.
Toutefois, en matière de lutte contre les violences conjugales, ces progrès sont encore insuffisants dans la lutte contre les violences infligées aux femmes et aux enfants : tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon.
Édifiée notamment par l’exemple espagnol, l’instauration d’une juridiction spécialisée dans la lutte contre les violences faites aux femmes rassemblant juge aux affaires familiales, juge pour enfants et juge pénal, est une nécessité désormais partagée tant par les associations et les différentes tendances politiques que par les principaux candidats à l’élection présidentielle.
Or, bien que le titre du chapitre du présent projet de loi annonce le renforcement de la lutte contre les violences intrafamiliales, cette nécessité n’est pas prise en compte.
Cette juridiction sera compétente pour tous les faits qui relèvent du viol, de l'inceste et des autres agressions sexuelles (articles 222-22 à 222-33-1), de l’outrage sexiste (article 222-33-1-1), du harcèlement moral exercé au sein du couple (222-33-2-1), du recours à la prostitution (articles 225-12-1 à 225-12-4). Lorsque les faits sont commis par le partenaire de la victime ou sur un mineur dans le cadre familial, la juridiction sera compétente en matière d’atteintes volontaires à la vie (articles 221-1 à 221-5-1), de tortures et actes de barbarie, de violences et de menaces (articles 222-1 à 222-18-3), d’interruption illégale de grossesse et de provocation au suicide (articles 223-10, 223-11, 223-13), de traite des êtres humains, de dissimulation forcée du visage et d’examens en vue d’attester de la virginité (articles 225-4-1 à 225-12), d’atteintes à l’exercice de l’autorité parentale (articles 227-5 à 227-11) et d’infractions sexuelles commises contre les mineurs (articles 227-21-1 à 227-28-3 du code pénal).
Cet amendement propose en conséquence l’expérimentation de juridictions des violences sexuelles, intrafamiliales et conjugales. Cette expérimentation se fera par redéploiement des moyens existants et apporte en conséquence aux magistrats engagés pour améliorer la réponse pénale et civile vis-à-vis des violences sexuelles, intrafamiliales et conjugales un levier juridique mobilisable immédiatement.
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