Publié le 4 novembre 2022 par : Mme Untermaier, Mme Battistel, Mme Karamanli, M. Saulignac, M. Vicot, les membres du groupe Socialistes et apparentés.
Rédiger ainsi l’alinéa 2 :
« Art. 66‑2. – La loi garantit l’égal accès à l’interruption volontaire de grossesse ainsi qu’à la contraception, dans le respect de l’autonomie personnelle. »
Cet amendement du groupe socialistes et apparentés vise à modifier la formulation du dispositif législatif de la proposition de loi.
Tout d’abord, la formulation positive est privilégiée à l’expression « Nul ne peut être privé du droit à l’interruption volontaire de grossesse. », qui peut potentiellement entrer en contradiction avec l’article L2212-1 du code de la santé publique, lequel dispose que l’IVG ne peut être pratiqué après la 14ème semaine de grossesse, à l’exception de raisons médicales.
Ensuite l’amendement consacre le droit constitutionnel à l’interruption volontaire de grossesse mais aussi à la contraception. La modification de la Constitution doit être l’opportunité de garantir l’accès à l’ensemble des droits procréatifs. « Dans la logique de la contraception, je dis qu’est inscrit le droit à l’avortement », déclarait Gisèle Halimi lors de sa plaidoirie en 1972. L’avortement n’est pas un moyen de contraception, mais une solution de dernier recours dès lors que la contraception n’a pas fonctionné par « échec, erreur ou oubli », sans exclure toutefois les autres raisons justifiant un avortement. Contraception et IVG sont intimement liées en ce qu’elles constituent des solutions aux femmes ne souhaitant pas commencer ou poursuivre une maternité. Qui plus est, les détracteurs de cette liberté n’attaquent pas de front les droits procréatifs mais œuvrent progressivement en rognant petit à petit le cadre légal desdits droits et les conditions d’accès. Avant la quasi-interdiction de l’avortement en 2020 en Pologne, le gouvernement avait déjà restreint l’accès à la pilule du lendemain en 2017, en la conditionnant à une prescription médicale.
Par ailleurs, l’amendement garantit l’égal accès à ces droits procréatifs. En effet, constitutionnaliser ce droit ne sera suivi que de peu d’effet si l’effectivité de l’accès n’est pas assurée, ce qui à ce jour n’est pas le cas : manque de moyens humains et matériels, diminution ou suppression de subventions aux associations, fermeture des services d’IVG, des maternités et absence de réorientation des femmes confrontées à la clause de conscience des médecins, inégalités territoriales en raison des déserts médicaux, manque de contrôle de l’application de la loi… Inscrire l’égal accès dans la Constitution oblige l’Etat en ce sens.
Il s’agit également de rappeler le principe fondant ce droit constitutionnel. Seul le principe de l’autonomie personnelle, à savoir le droit de disposer de soi et de faire ses choix pour soi-même, doit fonder la garantie d’accès aux droits procréatifs. La protection constitutionnelle autonome de ces droits met ainsi fin à la conciliation entre la liberté de la femme découlant de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, et le respect de la dignité de la personne humaine. Ces droits deviennent des droits à part entière et s’opposent à l’affirmation du destin biologique de procréation de la femme. Seule la femme est en capacité de savoir si elle peut ou veut devenir mère, car être mère ne se résume pas à porter un enfant pendant neuf mois mais signifie l’accompagner tout au long de sa vie. Interdire ou restreindre la contraception et l’IVG revient à décider pour la femme et son destin.
Enfin, le choix est fait de ne pas inscrire de délais dans la Constitution car il revient à la norme suprême d’édicter le principe et à la loi de préciser le cadre. Par ailleurs, une telle mention serait restrictive, étant donné que les délais sont fixés de manière arbitraire (24 semaines de grossesse aux Pays-Bas contre 14 en France) et représentent une contrepartie pour les plus conservateurs. Intégrer la notion de délai dans la Constitution impliquerait donc indirectement la prise en compte de cette contrepartie au caractère restrictif.
Cet amendement est issu de la proposition de loi n°378 déposée à l’Assemblée nationale visant à constitutionnaliser le droit à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, laquelle fait suite à un Atelier législatif citoyen ayant rassemblé des citoyens, un médecin gynécologue, l’ancienne présidente du Planning familial, une professeure spécialisée dans le droit constitutionnel et une universitaire américaine.
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