Publié le 5 octobre 2022 par : M. Juvin, M. Neuder, M. Kamardine, Mme Bonnivard, M. Viry, Mme Gruet, M. Descoeur, M. Dubois, Mme Valentin, Mme Corneloup, M. Brigand, Mme Louwagie, Mme Anthoine, M. Bazin, Mme Dalloz, Mme Bazin-Malgras, M. Forissier, M. Vincendet.
Après l’alinéa 24, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« « V. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2025. » »
Amendement de repli.
L’article 30 propose qu’à l’initiative des ministres, l’inscription des produits de santé sur les listes des médicaments remboursés en officine et à l’hôpital puisse faire l’objet d’une procédure de référencement. Cette procédure vise à sélectionner les médicaments remboursés, au sein d’une liste de médicaments ayant une même visée thérapeutique.
Il faut d’abord noter que cette mesure n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les professionnels de la filière alors même que les conséquences pour les industriels du médicament seront considérables, mais aussi pour les patients et les pharmacies d’officine.
En effet, cette procédure de référencement :
· Va à l'encontre des objectifs de maintien du tissu industriel en France (15 000 emplois, à travers de nombreuses PME et ETI). Les laboratoires de médicaments génériques produisent plus de 50% de leurs volumes sur le territoire national (500 millions de traitements par an, soit 20% des volumes totaux), principalement des Médicaments d’Intérêt Thérapeutique Majeur (MITM). Une politique d'appel d'offres ne manquerait pas de les éliminer définitivement, particulièrement en cette période d'inflation forte. Elle contribuerait par ailleurs à favoriser le phénomène de délocalisation, totalement contraire aux objectifs voulus par le Président de la République.
· Va à l'encontre des objectifs de santé publique qui visent notamment à ne pas changer les traitements chez les personnes de plus de 75 ans (stabilité de la délivrance). Pour rappel, la dernière convention CNAM-pharmaciens prévoit bien, dans la Rémunération sur Objectif de Santé Publique de ces derniers, l'exigence de ne pas modifier les traitements chroniques des personnes âgées de plus de 75 ans. L’ANSM, en son temps, avait elle-même mis en garde contre le risque que faisait courir à la santé publique ce type d'initiative. De même, ces modifications de marque de médicaments engendrées par les appels d’offre pourraient entrainer de la confusion pour les patients et ainsi une perte de chance pour le succès de leur traitement.
· Va à l’encontre des objectifs de relocalisation de la production des médicaments essentiels (MITM), tout comme de celui d’éviter les ruptures d’approvisionnement. Malgré les critères qui pourraient être retenus concernant l’origine de la production, l’expérience hospitalière nous montre que le critère du prix finit toujours par l’emporter. Seuls quelques acteurs, au surplus avec des chaînes d’approvisionnement lointaines et aléatoires, seraient donc retenus pour fournir une molécule, au lieu de 15 acteurs actuellement, réduisant d’autant la pluralité de l’offre qui a notamment permis de faire face lors de la crise Covid. Les expériences étrangères ont montré les limites de cet exercice avec une perturbation du marché des ruptures d’approvisionnements en concentrant la mise à disposition sur quelques acteurs et le risque de perte d’indépendance industrielle de l’Europe.
· Va à l’encontre des objectifs de sobriété énergétique, en permettant à de nouveaux acteurs étrangers d’accéder au marché français. La mise en place d'appels d'offres pour des considérations uniquement économique, semble en complète inadéquation avec ces objectifs. Force est de constater que le recours à des produits à bas cout est synonyme d'importation asiatique ayant nécessitant des flux logistiques considérables et produisant également un impact sociétal négatif pour notre pays.
· Va à l'encontre des objectifs de lutte contre les déserts médicaux. En effet les médicaments génériques représentent près de 35% du financement des officines françaises. La politique d'appel d'offres/de référencement met en danger le financement du réseau officinal, qui ne pourrait survivre sans les rémunérations apportées par le médicament générique, alors qu’il constitue le dernier rempart dans de nombreux territoires contre la désertification médicale.
· Va à l’encontre des fondements même de la politique conventionnelle qui prévoit la gestion dynamique des prix par le CEPS, par aires thérapeutiques, en consultation avec les industriels.
· Enfin, va à l'encontre de la reconnaissance des acteurs qui par, leur investissement, y compris au plus fort de la crise Covid, et à travers l'exercice de la concurrence, ont permis de réduire les dépenses de santé. Elle ne manquerait pas de transformer cette industrie responsable en une industrie « opportuniste » qui ne commercialiserait que des molécules à fort intérêt économique et délaisserait une large part du catalogue générique actuellement disponible. Cela provoquerait une raréfaction de l'offre et de la concurrence qui pourtant garantissent les économies (2,5 à 3 milliards d’euros/an) actuellement générées pour le système de santé et sécurisent l’approvisionnement de nos concitoyens pour leurs médicaments du quotidien (40% des médicaments remboursables).
Cet article conduirait ainsi à réduire le nombre de médicaments à disposition des patients et aggraverait ainsi les inégalités d’accès aux soins en France et les ruptures d’approvisionnement.
S’il est absolument nécessaire de réaliser des économies pour financer notre système de santé, celles-ci ne doivent pas se faire au risque de rupture d’approvisionnement. D’autant plus que d’autres solutions existent pour générer des économies substantielles, à commencer par permettre une substitution plus large des médicaments biosimilaires et des hybrides par les pharmaciens.
Pour l’ensemble de ces raisons, le présent amendement propose de décaler la mise en œuvre de cette mesure pour assurer les concertations nécessaires avec les parties-prenantes.
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