Publié le 6 octobre 2022 par : M. Bazin, M. Hetzel.
I. – Le chapitre 2 du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4 :
« Cotisations assises sur les rétributions perçues par les intervenants dans les associations d’étudiants à caractère pédagogique »
« Art. L. 242-11 - Les “Junior-Entreprises” et toute association répondant aux critères d’organisation et de contrôle inscrits dans les dispositions statutaires de la Confédération Nationale des Junior-Entreprises, confient à des étudiants des missions à caractère pédagogique pour la mise en pratique de leurs enseignements. Ces associations à vocation économique et à but non lucratif, implantées dans les établissements d'enseignement supérieur, sont constituées exclusivement dans le but de permettre aux étudiants y adhérant, de participer, dans le cadre des enseignements dispensés par leur école, à la réalisation de missions à caractère pédagogique.
Les étudiants percevant une rétribution à ce titre, de manière facultative, et réalisant ces missions à caractère pédagogique, dans des conditions excluant tout lien de subordination, caractéristique du contrat de travail, ne sont pas soumis aux dispositions prévues par l’article L. 311-2 du présent code.
En conséquence, la rétribution versée aux étudiants participant aux missions pédagogiques des associations visées au premier alinéa du présent article, dans les conditions visées aux alinéas précédents, n’a pas le caractère d’une rémunération au sens du I de l’article L. 242-1 du présent code. »
« Art. L. 242-12 – La rétribution versée aux étudiants participant aux missions pédagogiques des associations visées au premier alinéa de l’article L. 242-11 du présent code, dans les conditions visées à ce même article, est assujettie exclusivement aux cotisations et contributions des assurances sociales du régime général couvrant les risques ou charges de maladie, d'invalidité, de vieillesse, de décès, de veuvage, de maternité, ainsi que de paternité, définis à l’article L. 311-1 du présent code, à l’exclusion de tout autre risque.
Ces cotisations bénéficient d’une assiette forfaitaire calculée sur la base de quatre fois la valeur horaire du salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l’année considérée, pour chaque journée d’étude rémunérée par l’association.
Cet assujettissement, à titre dérogatoire, aux cotisations et contributions susvisées exclut par lui-mêmel’assujettissement des sommes perçues à l’ensemble des autres cotisations et contributions sociales en vigueur ».
II. – Après le e) du 1° du III de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« f) Les sommes perçues par les étudiants au titre de leur participation aux missions pédagogiques des associations visées au premier alinéa de l’article L. 242-11 du présent code, dans les conditions visées à ce même article.
III. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur au plus tard au 1er février 2023.
IV. La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.»-»
Le présent amendement vise à clarifier et sécuriser le régime social dérogatoire dont bénéficient les « Junior-Entreprises » (lettre ministérielle BÉRÉGOVOY de 1984 pour le cadre fiscal, lettre et arrêté ministériels de 1988 fixant des cotisations sociales minorées pour le cadre social), en le transposant dans le code de la sécurité sociale.
En effet, les 200 Junior-Entreprises sont menacées de disparition et leurs 25.000 étudiants risquent d’être contraints de stopper leurs activités.
Pourquoi ? Les organismes de sécurité sociale tendent à considérer, à l’instar de la chambre sociale de la Cour de cassation (arrêt du 15 juin 1988, n°86-10.732), qu’il existerait un lien de subordination entre les Junior-Entreprises et les étudiants effectuant des missions pour les entreprises. En conséquence, les étudiants seraient assimilés à des salariés et leur rétribution devrait être taxée comme du salaire. Aussi, les Junior-Entreprises se voient réclamer des cotisations et contributions sociales de droit commun, qui, si elles étaient réglées, les contraindraient, ni plus ni moins, à mettre la clé sous la porte.
Or, dans les faits, ce lien de subordination, qui est le critère principal du salariat, n’existe pas dans le cas de la Junior-Entreprise :
- La Junior-Entreprise n’est pas l’employeur de l’étudiant effectuant des missions et n’exerce pas une relation hiérarchique sur lui. L’étudiant ne reçoit pas d’ordres ou directives de la part de la Junior-Entreprise ;
- En tant que membre de l’association, l’intervenant fait partie de l’assemblée générale qui elle-même dicte et approuve les décisions prises par le conseil d’administration de la Junior-Entreprise ;
- L’étudiant organise son temps comme il le souhaite et n’est pas soumis à des horaires de travail imposés dans le cadre d’un contrat de travail ;
- Le travail de l’étudiant ne fait pas l’objet d’un contrôle à proprement parler de la part de la Junior-Entreprise, qui se contente de vérifier le respect du cahier des charges fixé avec l’entreprise cliente ;
- Il n’existe pas de sanctions lorsque l’étudiant se trompe dans l’exécution de sa mission. D’ailleurs, le principe fondamental de la Junior-Entreprise est le droit de se tromper. L’étudiant est là pour apprendre et appliquer sur le terrain les savoirs théoriques qui lui ont été enseignés. Or, dans toute entreprise, les manquements du salarié dans la réalisation de son travail donnent lieu à des sanctions.
Si les honoraires perçus par les intervenants sur une mission (lettre BÉRÉGOVOY de 1984) en Junior-Entreprises étaient requalifiés en salaires, cette réforme coûterait 2,5 M€ par an de cotisations sociales supplémentaires pour le mouvement des Junior-Entreprises, et représenterait, pour les étudiants intervenant en Junior-Entreprises, 1,5 M€ de manque à gagner. Ces sommes, soit au total 4 M€, constituent près de la moitié des 9 M€ de produits par an réalisés par les Junior-Entreprises. 95 % des Junior-Entreprises ne survivraient pas à une telle réforme.
La solution proposée par le présent amendement est simple : il s’agit de conférer une valeur législative au statut dérogatoire de la Junior-Entreprise. Cela éteindra toute interprétation de l’administration sociale tendant à assimiler l’intervenant de la Junior-Entreprise à un salarié, qu’il n’est pas, ni dans les faits, ni en droit.
Il y a urgence à régler ce problème car les Junior-Entreprises font l’objet d’un harcèlement de la part des administrations. Elles reçoivent continuellement des mises en demeure et injonctions de paiement concernant notamment le Prélèvement À la Source (PAS), avec une date butoir fixée à fin 2022. Or, elles n’y sont normalement pas assujetties (les étudiants perçoivent des honoraires et non des salaires). Elles sont sommées par les centres URSSAF de verser la Taxe d’Apprentissage et une contribution au titre de la Formation Professionnelle Continue, alors qu’elles ne sont pas considérées comme employeurs au sens du code du travail. En outre, les administrations ont des positions divergentes sur les dossiers des Junior-Entreprises et ne communiquent pas entre elles pour remédier aux problèmes. Il faut sortir de cette impasse.
Le régime social dérogatoire et le régime fiscal dont bénéficient les Junior-Entreprises se justifient par d’autres raisons, qui tiennent à leur apport à l’économie et la société :
- Le principal objectif de la Junior-Entreprise est la montée en compétences des étudiants pour favoriser leur insertion professionnelle. Ce n’est pas pour rien si un étudiant préfère travailler dans le cadre de la Junior-Entreprise plutôt que de prendre un « petit boulot ». De très nombreux chefs d’entreprise et dirigeants français ont débuté en passant par la Junior-Entreprise, qui leur a mis le pied à l’étrier et donné le goût d’entreprendre. Si la Junior-Entreprise disparaissait, cela reviendrait à faire faire un bon de 50 ans en arrière à la culture d’entreprise dans notre pays.
- La Junior-Entreprise doit être vue comme une avancée sociale, au service des étudiants, notamment les plus précaires ou les plus isolés d’entre eux. Elle constitue un moyen d’obtenir des rétributions, qui sont un réel complément financier, support indispensable en ces temps de troubles pour le monde étudiant. La Junior-Entreprise constitue ainsi un véritable réseau de solidarité financière et sociale entre étudiants.
- La Junior-Entreprise répond à la volonté d’égalité et de solidarité des Français. Elle n’est plus seulement l’apanage des grandes écoles d’ingénieurs ou de commerce. Elle s’est largement démocratisée et de plus en plus d’étudiants ont la possibilité de vivre l’expérience Junior-Entreprise. 50 % des Junior-Entreprises se trouvent désormais en dehors des grandes écoles et se développent dans les universités.
Enfin, cet amendement est l’occasion pour le Gouvernement et le Parlement de manifester concrètement leur attachement à la jeunesse, en permettant aux étudiants de continuer à prendre leur place dans le monde du travail et de l’entrepreneuriat grâce à la Junior-Entreprise.
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