Publié le 12 octobre 2022 par : M. Juvin, M. Neuder, M. Kamardine, Mme Bonnivard, M. Viry, Mme Gruet, M. Dubois, Mme Corneloup, Mme Valentin, M. Brigand, Mme Louwagie, Mme Dalloz, Mme Bazin-Malgras, M. Forissier, M. Vincendet, M. Jean-Pierre Vigier, M. Bony, M. Bourgeaux.
Le I de la section I du chapitre IV du titre III de la première partie du livre premier est complété par un article 572 ter ainsi rédigé :
« Art. 572 ter. – Sur la base des déclarations établies en application de l’article 575 C un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget fixe chaque année les quantités maximales de produits susceptibles d’être livrées aux débitants désignés à l’article 568. En tenant compte des quantités consommées sur le territoire national cet arrêté définit les quantités maximum susceptibles d’être importées qui ne peuvent être égales qu’à la différence entre les quantités déclarées au cours de l’année qui précède et les quantités produites sur le territoire majorée au maximum de 5 %.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article et notamment les conditions de déclinaison des quantités par catégories de produits, et, pour celles qui représentent une part significative de la consommation nationale, par marques de cigarettes. »
En France, la valeur du marché du tabac a baissé de 8 % par rapport à 2021. C’est aussi certainement ce qui a motivé le Gouvernement a augmenté les prix du tabac, une hausse que les fabricants de tabac demandaient aussi, malgré leurs dénégations, pour reconstituer leurs marges.
En revanche il est un phénomène qui a continué de progresser, celui des achats frontaliers de tabac. Deux études récentes, l’une conduite en France par la Seita, l’autre en Belgique et au Luxembourg par Cimabel qui regroupe les cigarettiers British American Tobacco, Japan Tobacco International, Imperial Tobacco et Landewick, montrent une explosion de la contrebande via soit les achats frontaliers, soit les achats entre États membres de l’UE.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’il ne s’agit pas de contrefaçon. L’étude précitée de Cimabel le prouve d’ailleurs en chiffrant la contrefaçon à 1,9 %. Ce qui signifie que 98,1 % du commerce parallèle sort des usines des majors du tabac.
Ainsi au Luxembourg, alors qu’il faut 600 millions de cigarettes pour répondre à la demande des fumeurs luxembourgeois, les cigarettiers y livrent chaque année plus de 3 milliards de cigarettes. 1,1 milliard y sont achetées par des fumeurs français. En Andorre, 120 tonnes de tabac étaient nécessaires pour les fumeurs locaux en 2015, les cigarettiers en livraient 850 tonnes. Des « cigarettes andorranes » qu’on retrouve jusqu’à Bordeaux ou Lyon. En 2018, 1,8 milliard de cigarettes ont été achetés en Belgique par des fumeurs français.
On estime qu’entre 30 et 35 % de la consommation de tabac en France vient du commerce parallèle qui est donc pour l’essentiel alimenté par les fabricants de tabac. Si l’État français perd entre 3 et 5 milliards d’euros de recettes fiscales chaque année, les 23500 buralistes français perdent quant à eux 400 millions d’euros de chiffre d’affaire.
Pour simplifier, une hausse des prix permet à l’industrie du tabac de gagner du cash en France, la perte de volumes étant plus que compensée par les achats frontaliers qu’elle alimente. Une stratégie gagnant-gagnant pour les fabricants de tabac, au détriment de la santé publique, des finances publiques, du coût social du tabac et de la situation financière des buralistes.
Ce phénomène récurrent prouve deux choses : d’une part le système de traçabilité européen de traçabilité, au-delà d’être non-conforme au droit international de l’OMS, n’est absolument pas efficace ; d’autre part l’harmonisation fiscale en UE n’a aucune chance de se concrétiser, la hausse des prix décidée unilatéralement par la France en est d’ailleurs la meilleure illustration.
Pourtant la solution existe, et c’est l’objet du présent amendement qui vise à mettre en œuvre les quotas de livraison de tabac tels que définis par l’Article 7 du Protocole de l’OMS « pour éliminer le commerce illicite de tabac ». Ratifié par la France à l’automne 2015 après de votes à l’unanimité de l’Assemblée Nationale et du Sénat, ratifié par l’UE en 2016, il est entré en vigueur en 2018, et peut être mis en œuvre à compter de 2023.
Avec ce système des quotas, les cigarettiers ne pourraient plus livrer chaque année que 600 millions de cigarettes au Luxembourg, et non 3 milliards. En revanche, ils devraient livrer en France quelque 45 milliards de cigarettes et non plus 33 milliards comme aujourd’hui. Ce qui permettrait de récupérer les recettes fiscales afférentes.
Il est proposé que la France montre l’exemple dès 2023, la hausse des livraisons cigarettes de 33 à 45 milliards étant pris dans un premier temps pris en charge par les fabricants de tabac qui assureraient l’avance de trésorerie, notamment pour les buralistes - dans l’attente que le Protocole de l’OMS soit intégré à la nouvelle directive des produits du tabac dont la révision commence à Bruxelles dans quelques mois.
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