Publié le 7 mai 2024 par : M. Fournier, Mme Pochon.
I. – L’article L 311‑3 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Article L 311‑3. – Aucune société ou personne physique, exploitante ou non, ne peut contrôler, quel que soit le mode de contrôle, plus de 500 hectares de surface à usage ou vocation agricole. Aussi, à compter du 1er janvier 2025, aucune personne physique ou société ne peut acquérir ou louer de nouvelles terres à exploiter, ou acquérir de nouvelles parts sociales de sociétés agricoles contrôlant des terres par la location, la propriété ou des contrats de délégation de travail agricole, qui les feraient excéder ce seuil. Pour les personnes ou sociétés qui dépasseraient déjà ce seuil, tout départ à la retraite, transmission, cessation d’activité, délégation de l’intégralité des travaux de l’exploitation à des tiers en prestation ou transfert de parts sociales de sociétés possédant ou exploitant du foncier agricole, les mettra dans l’obligation, à compter du 1er janvier 2025, de revendre sur les marchés fonciers les hectares disponibles au-delà de ce seuil.
« Ce plafond national vient s’ajouter au seuil de surface et d’agrandissement excessifs des structures définis par les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles, mentionnés au II du L312‑1 du même code, et ne s’y substitue pas.
« Peuvent être exemptées de cette mesure les personnes physiques ou sociétés gérant des pâturages collectifs ainsi que les associations et sociétés portant du foncier agricole, si ces personnes physiques ou société s’engagent à :
« 1° ne pas revendre les terres au-delà de leur prix d’acquisition initial augmenté des frais d’acquisition ;
« 2° garantir la mise en place de mesures environnementales de manière contraignante sur les terres louées, notamment via des baux ruraux environnementaux ou des obligations réelles environnementales ;
« 3° mettre à disposition la majeure partie des terres contrôlées via le statut du fermage ;
« 4° n’imposer aucun accompagnement payant aux exploitants agricoles des terres. »
II. – Le 3° de l’article L 331‑1 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :« À ce titre, le contrôle des structures vise notamment à assurer le respect des dispositions prévues à l’article L. 311‑3 du présent code concernant le plafond du nombre d’hectare de surface à usage ou vocation agricole contrôlable par une même personne physique ou société. »
La concentration des terres est un des fléaux qui détruit chaque jour un peu plus notre modèle agricole. Le protéger exige des mesures dont il faut assumer la radicalité, parce que la crise que connaît le monde agricole est radicale.
Cet amendement, qui traduit l’une des mesures du cahier de propositions du groupe écologiste pour la LOA publié en novembre 2023, vise donc à instaurer à partir de 2025 un plafond du nombre d’hectares de surface à usage ou vocation agricole qu’une société ou personne physique peut contrôler. Nous proposons de fixer ce plafond à 500 hectares, soit plus de 8 fois la surface agricole moyenne par exploitant en France.
Le contrôle de ce seuil se ferait à l’occasion de toute acquisition ou location de nouvelles terres à exploiter, ou acquisition de nouvelles parts sociales de sociétés agricoles contrôlant des terres par la location. Pour les personnes ou sociétés qui dépasseraient déjà ce seuil, tout départ à la retraite, transmission, cessation d’activité, ou transfert de parts sociales de sociétés bénéficiant de droits d’usage agricole, les mettrait dans l’obligation de revendre sur les marchés fonciers les hectares disponibles au-delà de ce seuil.
Par ailleurs cet amendement propose de mettre en place des dérogations, soumis à critères, afin de ne pas pénaliser les pâturages collectifs ou les sociétés de portage foncier vertueuses.
Le principe qui sous-tend cette proposition est simple : si l’on souhaite s’orienter vers un modèle agricole soutenable sur le plan écologique, si l’on souhaite mettre fin à la concentration des terres, l’on ne peut accepter qu’une seule personne puisse s’occuper de plus de 300 hectares.
A titre de rappel, un million d’hectares changent de main tous les ans, mais moins de la moitié permet des installations car le reste part à l’agrandissement. Ainsi, en 50 ans, la surface moyenne des fermes a augmenté de 50 hectares. Résultat : des fermes spécialisées, démesurées, fortement mécanisées, qui sont hors de portée financièrement et qui correspondent trop rarement aux projets d’installation et aux demandes de la société.
La loi Sempastous a prétendu agir contre ce fléau, mais les seuils d’agrandissement excessifs qu’elle a mis en place sont bien trop élevés : dans ma région de Centre Val-de-Loire, le préfet l’a fixé à 275 hectares, ce qui veut dire qu’un couple d’agriculteurs, avec des sociétés d’exploitation distinctes, pourrait atteindre 550 hectares sans avoir à se soumettre à une autorisation administrative, sachant qu’un dépassement de ce seuil n’implique pas nécessairement un refus d’autorisation.
Nous sommes ouverts à la discussion sur les seuils, sur les dérogations par type de production, mais nous ne reculerons pas sur la nécessité absolue de cette mesure, car il faut prendre acte du fait que, face à l’accaparement des terres opéré par les grands groupes comme Pierre Fabre, Auchan ou Chanel, l’on ne peut plus se contenter de demi-mesures. Il revient à la représentation nationale d’enfin prendre ce sujet à bras le corps, et de dire : non, la liberté d’entreprendre n’est pas la liberté de tout prendre.
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