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Souveraineté alimentaire et renouvellement des générations en agriculture — Texte n° 2436

Amendement N° CD314 (Retiré avant séance)

Publié le 25 avril 2024 par : M. Caron.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

Rédiger ainsi cet article :

« Les structures d’élevage soumis aux régimes déclaratif, d’enregistrement et d’autorisation applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement relevant du titre Ier du livre V du code de l’environnement sont progressivement interdites d’ici 2030. »

Exposé sommaire :

Cet amendement vise à progressivement éliminer toutes les installations d’élevage intensif ou pouvant présenter des dangers ou des inconvénients pour l’environnement ou pour la santé publique. Or l’élevage représente l’un des plus grands dangers pour la santé et pour l’environnement.

Comme le prévoit l’article L. 511-1 du code de l’environnement, sont soumises aux
dispositions applicables aux installations classées, « les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature et de l’environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments ».

C’est dans cet esprit que le présent amendement a pour objectif d’éliminer progressivement ces structures dans un futur proche, afin de permettre la réalisation des accords de Paris et des engagements de la France. C’est l’une des préconisations de la Cour des comptes qui, dans un rapport sur le soutien public aux élevages de bovins de novembre 2022, préconise de définir une stratégie de réduction du cheptel bovin cohérente avec les objectifs climatiques du « Global Methane Pledge » signé par la France, en tenant compte notamment des objectifs de santé publique et de souveraineté alimentaire.

Car la réduction du cheptel, notamment bovin, qui est l’élevage le plus polluant en termes d’émissions de GES, est indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques et atténuer la catastrophe climatique. D’après les données du ministère de la transition écologique, sur les 9,9 tonnes de CO2 émises par habitant dans notre pays en 2019, la consommation de viande de chaque français a dégagé 920kg eqCO2, soit deux fois plus que les déplacements en avion (430kg eqCO2). Une simulation réalisée dans le cadre du « lundi vert » a démontré qu’observer en France un jour sans viande par semaine économiserait autant de GES que ceux générés par l’ensemble des vols domestiques hebdomadaires. Les experts du GIEC, du Haut conseil pour le climat, de l’ADEME, et tant d’autres ont démontré le lien entre la production et la consommation de viande et une grosse proportion des émissions de GES.

Une étude très complète réalisée en mai 2023 (Elysia Lucas et al., « Low carbon diets can reduce global and ecological costs », Nature Food, vol. 4, mai 2023) démontre que la consommation de produits animaux occasionne en réalité plus de 9800 milliards de dollars de coûts cachés par an à la société : selon les chercheurs, les produits d’origine animale sont responsables de 70% de ces coûts cachés, et la viande 51% de ces mêmes coûts. Dans les pays les plus riches, plus consommateurs en viande, ce pourcentage des produits d’origine animale va jusqu’à 84% des coûts cachés. L’étude montre qu’une alimentation 100% végétale permettrait de réduire ces coûts cachés d’au moins 52% soit 7300 milliards de dollars par an (9% du PIB mondial). Les coûts cachés se basent sur de nombreux paramètres, tenant à la qualité de l’environnement et sa dégradation (acidification, toxicité, eutrophisation, utilisation d’eau, réchauffement climatique, etc) et à la santé humaine (accidents cardiaques, accidents vasculaires cérébraux, cancers, diabètes, etc). Par ailleurs, la réduction de l’élevage permettrait, en plus de la réduction des GES, l’augmentation du potentiel de captation carbone de la biomasse, la surface libérée par l’élevage permettant aux écosystèmes naturels de se restaurer.

D’après les études de certains scientifiques (Michael B. Eisen et Patrick O. Brown, « Rapid global phaseout of animal agriculture has the potential to stabilize greenhouse gas levels for 30 years and offset 68 percent of CO2 emissions this century », Plos Climate 1er février 2022), l’arrêt progressif de l’élevage sur une période de quinze ans à partir d’aujourd’hui permettrait d’annuler totalement l’effet réchauffant de toutes les autres émissions humaines de GES, conduisant à neutraliser le réchauffement climatique sur la période 2030-2060. L’abandon de l’élevage se traduirait par 1680 gigatonnes de CO2 en moins à l’horizon 2100, soit l’équivalent de 46 ans d’émissions globales de GES au rythme actuellement observé. La fin de l’élevage représenterait à lui seul environ 50% des efforts à accomplir pour respecter l’accord de Paris sur le climat, et permettrait de réduire de 68% le total de GES émis d’ici à la fin du siècle par l’ensemble des activités humaines. La seule suppression de l’élevage des ruminants pour la viande et le lait représenterait 90% de ces effets bénéfiques (38% liés à la réduction directe des émissions de GES et 62% liés au stockage de carbone engendré par la régénération de la biomasse sur les terres libérées)

Au Pays-Bas, la tendance a été lancée : afin d’engager une diminution de 50% des émissions d'azote, le gouvernement a annoncé un plan de réduction de 30% du cheptel national d’ici 2030, reconnaissant que l’élevage intensif était pour la majeure partie responsable du taux de nitrates dans les sols. En effet, Les Pays-Bas comptent presque autant de cochons et de vaches que d’humains, soit environ 15 millions. L’élevage intensif caractérise le modèle agricole néerlandais, deuxième exportateur de denrées au monde. En 2021, le pays comptait 3 045 élevages porcins exploitant chacun 3365 cochons en avec en moyenne 3 365 animaux par ferme. Le pays compte la plus grande densité de bétail à l'hectare de toute l'Union européenne.

Le plan prévoit une réduction de 30% du nombre d’animaux d’élevage et la fermeture des élevages les plus intensifs au profit de fermes plus petites. Pour ce faire, le gouvernement propose de racheter les exploitations, sur la base du volontariat, pour revendre ces espaces à des agriculteurs qui s’engagent à développer des modèles plus extensifs. Le premier ministre Mark Rutte reconnaît l’ampleur du défi environnemental et social : “Nous avons conscience du fait que cela va avoir un impact énorme sur les agriculteurs, mais malheureusement nous n’avons pas d’autre choix. Il nous faut impérativement réduire les émissions d’azote”.

En France, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) actuelle pose comme cap une baisse de 25 % du nombre de vaches laitières et allaitantes et de 30 % des truies entre 2015 et 2050, mais ce n’est pas suffisant selon les préconisations des experts. L’ADEME, dans son scénario n°1 du rapport Transitions 2050, le plus ambitieux pour atteindre les objectifs climatiques de la France, préconise une réduction de 70% de la consommation de viande et préconise également que « l’élevage diminue de manière notable (quasi disparition des élevages intensifs de porcs et volaille, baisse de 85 % des cheptels de bovins viande par rapport à l’état actuel).». L’ADEME prévoit également l’accroissement significatif des surfaces de légumineuses.

C’est sur cet ensemble de préconisations scientifiques que se base cet amendement. La fin de l’élevage intensif équivaudrait à une réduction de 80% du cheptel, puisque 8 animaux sur 10 sont élevés en intensif, ce qui correspondrait aux préconisations de l’ADEME dans son scénario permettant d’atteindre les objectifs climatiques de la France notamment en termes de réduction des GES, tels qu’ils ont été fixés par l’accord de Paris.

Enfin, la réduction du cheptel et la fin de l’élevage intensif correspondent également à une attente sociétale. L’opinion publique se soucie de plus en plus du bien-être animal et la consommation de viande dans les foyers français se réduit d’année en année. Selon le baromètre Harris Interactive et Réseau Action Climat du 4 avril 2023, 57% des interrogés déclarent "qu’ils ont diminué leur consommation de viande dans les dernières années", soit une hausse de 9 points par rapport à 2021. 39% des Français estiment que dans les trois années à venir, ils diminueront leur consommation de viande ce qui représente également une augmentation de 9 points depuis le précédent sondage. "Tous s’accordent à dire que limiter sa consommation de viande a un impact sur l’environnement (81%) comme sur leur santé (77%). Si la volonté de faire des économies arrive en tête des raisons à ce souhait de baisser sa consommation (53% des répondants), 45% des Français expliquent leur choix pour des raisons écologiques (en hausse de 6 points par rapport à 2021)." Toujours d'après le sondage, les légumes secs bénéficient d’une excellente image auprès des Français et sont ainsi la source de protéines vers laquelle 80% des Français se tourneraient dans le cadre de la réduction de leur consommation de viande.

Enfin, en ce qui concerne l’agriculture, 85% des Français attendent des mesures visant à limiter la présence des élevages intensifs.

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