Publié le 20 janvier 2024 par : M. Caron.
Après le 1° de l’article L. 415‑3 du code de l’environnement, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Le fait de donner la mort ou de blesser intentionnellement un représentant d’une espèce animale en dehors de toute nécessité impérative de régulation permettant de remédier à un déséquilibre écosystémique grave affectant la conservation d’espèces animales non domestiques ; »
Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), la Terre aurait vu disparaître près de 68% de ses populations de vertébrés entre 1970 et 2016, un rythme estimé 100 à 1 000 fois supérieur au taux naturel d'extinction. D'après l'Union internationale pour la conservation de la nature, 41 % d'amphibiens, 26 % de mammifères et 13 % d’oiseaux sont menacés d'extinction.
Il est aujourd'hui acquis, au sein de la communauté scientifique, que les activités humaines sont considérées comme la principale raison des disparitions d’espèces, alors que nous assistons à la sixième extinction de masse de la biodiversité. Le Fonds mondial pour la nature (WWF), ainsi que le rapport de 2019 de l’IPBES évoquent en particulier l’agriculture intensive, l’exploitation forestière, l’urbanisation, l’extraction minière, la pêche et la chasse intensives, la pollution, les espèces invasives et autres maladies, ainsi que le changement climatique.
Selon le quatrième rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), rédigé en 2007, près de 30% des espèces végétales et animales "connaîtront un risque croissant d'extinction" à cause du dérèglement climatique et du bouleversement des écosystèmes. Or la chasse une activité qui
La chasse est une des activités de pleine nature qui occasionnent le plus de dérangements de la faune. Elle entraine des perturbations sur les populations locales des espèces cibles (c’est-à-dire des espèces visées par la chasse) mais aussi des espèces non cibles. La chasse des espèces indigènes peut également contribuer à une altération de l'habitat. En effet, maintenir de larges populations de ces grands animaux afin de les chasser, peut induire des perturbations des écosystèmes et du sur-pâturage, et donc contribuer au déclin de la biodiversité (Ripple et al., 2016). Une étude de 2011 estime que la chasse a été le principal facteur de détérioration chez 62 espèces de mammifères au niveau mondial et que 40% des espèces en voie de détérioration sont actuellement touchées par la chasse (Hoffmann et al., 2011).
En effet, la chasse, en plus d’être éthiquement inacceptable et profondément archaïque, est également extrêmement destructrice de biodiversité, alors que les régulations sont censées la préserver, selon la rhétorique des chasseurs.
En effet, selon ces derniers, ils sont les « premiers écologistes de France » en raison de leur mission de régulation des écosystèmes. Selon la fédération nationale des chasseurs, la chasse est essentielle pour protéger les forêts, les dégâts occasionnés aux cultures, mais également pour protéger certaines espèces de la prédation par d’autres espèces. Or ce paradigme d’une « gestion adaptative » des espèces est complètement dévoyé en France, d’une part car de trop nombreux animaux sont tués en dehors de toute nécessité de régulation. Selon l’OFB, près de 22 millions d'animaux ont été tués à la chasse lors de la saison 2013-2014. Les oiseaux représentent 80 % des cibles, le pigeon ramier (4,9 millions) et le faisan commun (3 millions) étant les deux espèces les plus tuées, alors que des études déplorent la disparition d’un tiers des oiseaux dans les campagnes françaises en quinze ans. Pour le grand gibier, 850 000 sangliers ont été prélevés en 2022, 600 000 chevreuils et 75 000 cerfs. Néanmoins, un grand nombre d’animaux ne sont pas retrouvés parce qu’ils ont été blessés et meurent dans les jours qui suivent, en agonisant. Le nombre d’animaux tués en raison d’activités de chasse est donc largement supérieur.
D’autre part car la gestion adaptative des espèces implique qu’une espèce menacée cesse d’être chassée, au moins pendant un certain temps afin de garantir sa reproduction et sa conservation. Or, le comité d’experts sur la gestion adaptative, mis en place en 2019 pour développer cette chasse adaptative est composé autant par des chasseurs que par des scientifiques, alors que son rôle est de fournir des recommandations en termes de prélèvements des espèces sur la base de données scientifiques, prélèvements qui « pourront être à la baisse si une espèce est en danger » (Décret n° 2019-166 du 5 mars 2019 relatif au comité d'experts sur la gestion adaptative). Un avis du comité d’experts du 13 mai 2019, relatif à la conservation du courlis cendré, un petit oiseau côtier classé vulnérable, préconisait de suspendre la chasse de cet animal afin de permettre sa conservation, soulignant le « mauvais état de conservation de l’espèce ». Les six chasseurs membres du comité ont boycotté l’avis et conseillé en parallèle d’autoriser le prélèvement de 5500 oiseaux, et le gouvernement est allé plus loin en autorisant la chasse de 6000 d’entre eux. Cet arrêté gouvernemental a finalement été suspendu par le Conseil d’État.
La France se situe parmi les premiers pays de l’UE en termes d’espèces chassables, le Ministère de la transition écologique en dénombrant près de 89 – la moyenne européenne se situant autour de 20 espèces –, dont 20 sont pourtant classées en mauvais état de conservation dans la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Toujours d’après l’UICN, entre 30 et 40% des espèces chassables en France en 2020 étaient en mauvais état de conservation.
La chasse adaptative est en réalité un mythe. En effet, il y aurait plus de 20 millions d'animaux élevés pour la chasse selon les données de 2021 du Syndicat national des producteurs de gibier de chasse (SNPGC). Selon celui-ci, 40% à 50% seraient destinés à l'export. Libération a pu estimer qu'environ 22% des animaux tués proviendraient de l'élevage.
Au vu de ces données, il est clair que la majorité des activités de chasse n’est pas destinée à réguler la biodiversité. C’est pourquoi cet amendement vise à rétablir la cohérence de l’existence de la chasse : si celle-ci est destinée à protéger la biodiversité en la régulant, alors elle ne doit exister que pour cette raison.
Willy Schraen, président de la fédération nationale des chasseurs, déclarait en 2021 « Tu penses qu’on est là pour réguler ? (…) On prend du plaisir dans l’acte de chasse. Moi, mon métier, c’est pas chasseur, j’en ai rien à foutre de réguler ». Cet aveu extrêmement choquant en dit long sur les réelles motivations des chasseurs.
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