Publié le 23 novembre 2023 par : M. Philippe Brun, M. Vallaud, Mme Untermaier, M. Vicot, M. Saulignac, Mme Karamanli, M. Delaporte, Mme Keloua Hachi, les membres du groupe Socialistes et apparentés.
I. – À la première phrase de l’alinéa 3, après le mot :
« étranger »,
insérer le mot :
« majeur ».
II. – En conséquence, à la troisième phrase de l’alinéa 3, supprimer le mot :
« manifestement ».
III. – En conséquence, à la troisième phrase de l’alinéa 4, supprimer le mot :
« manifestement ».
IV. – En conséquence, compléter cet article par les deux alinéas suivants :
« 3° L’article L. 812‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, les dispositions prévues à l’article L. 221‑2‑4 du code d’action sociale et des familles s’appliquent. »
Cet amendement du groupe « socialistes et apparentés » et suggéré par UNICEF France vise à inscrire explicitement dans la loi le fait qu’une décision d’obligation de quitter le territoire visant une personne protégée doit prendre en compte de manière proportionnée au regard de la menace représentée par l’étranger, les circonstances relatives à sa vie privée et familiale et l’intérêt supérieur de ses enfants mineurs.
Compte tenu des nombreuses difficultés observées en pratique, notamment pour les parents d’enfants français qui font l’objet de mesures d’expulsion en dépit des « protections » dont ils disposent, mais aussi du risque que ces pratiques se multiplient en raison des nouvelles exceptions instaurées par le présent projet, il convient de mentionner explicitement cette exigence. Par ailleurs, Le comité des droits de l’enfant précise que les États parties sont tenus de veiller à ce que toute décision de renvoyer un enfant dans son pays d’origine soit fondée sur des éléments de preuve et soit prise au cas par cas conformément à une procédure prévoyant des garanties appropriées et comprenant notamment une évaluation individuelle rigoureuse et la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant.e à exclure les mineurs des dispositions de l’article 11 relatives aux contrôles lors des franchissements de frontières, et renvoyer au droit applicable le traitement des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille en ajoutant un renvoi clair vers les dispositions du Code de l’action sociale et des familles (CASF) correspondantes.
S’agissant des retenues pour vérification du droit au séjour :
Aux termes de l’article L411‑1 du CESEDA, l’obligation de détenir un titre de séjour ne concerne que les étrangers de plus de 18 ans. En conséquence, les mineurs ne peuvent faire l’objet d’une OQTF (L611‑3) et être visés par une décision de placement en rétention (L741‑3).
Il convient de rappeler que pour les personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, les dispositions de l’article L221‑2‑4 du Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF) s’appliquent. Si elles se déclarent comme telles lors d’une retenue, elles doivent être orientées sans délai vers le président du Conseil Départemental qui met en place un accueil provisoire d’urgence et procède aux investigations nécessaires pour procéder à l’évaluation de leur situation.
Le relevé et la comparaison de leurs empreintes avec d’autres fichiers sont – à cette occasion – strictement encadrés. Le relevé est effectué en préfecture sur orientation des services de protection de l’enfance et réalisé par des agents spécialement habilités. Le mineur peut refuser ce relevé, sa majorité ne peut être déduite de son seul refus opposé au recueil de ses empreintes ni de la seule constatation qu’il est déjà enregistré dans le fichier AGDREF 2 ou VISABIO. La modification de la Commission des lois du Sénat proposant de ne permettre le recours à la contrainte que pour les « étrangers manifestement âgés d’au moins dix-huit ans » n’est pas de nature à lever les atteintes aux libertés des mineurs générées par cette mesure. En effet, en permettant à l’officier de police judiciaire de se prononcer sur le caractère manifeste ou non de la minorité de la personne, cette mesure ouvre la voie à une évaluation hâtive, subjective et arbitraire de la minorité des jeunes concernés.
Or, comme le rappelle le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 21 mars 2019, l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant « impose que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge. Il s’ensuit que les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures. »
Le législateur a prévu que la prise en charge provisoire par les départements débute dès que la personne se déclare mineure et non accompagnée. La loi prévoit ainsi à l’article L221‑2‑4 du CASF « que le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d’urgence. »
Cette disposition aurait pour effet de confier à un officier de police judiciaire le soin d’évaluer la minorité des personnes se déclarant mineures et isolées alors même que cette compétence relève du conseil départemental sous le contrôle du juge. C’est ce que rappelle le Conseil d’État dans sa décision de principe du 14 juin 2017 n° 402.890 : « la compétence conférée aux départements en matière d’aide sociale à l’enfance et de protection des mineurs en danger, notamment par les articles L. 221‑1, L. 223‑2 et L. 226‑3 du code de l’action sociale et des familles, implique nécessairement que les départements puissent apprécier, sous le contrôle du juge si les personnes qui sollicitent cette protection remplissent effectivement les conditions légales pour l’obtenir, dont celle de minorité. »
S’agissant du franchissement d’une frontière :
Les mineurs non accompagnés peuvent être contrôlés à l’occasion du franchissement d’une frontière s’ils ne remplissent pas les conditions d’entrée. A cette occasion, ils peuvent faire l’objet d’un relevé d’empreinte dans les conditions prévues à l’article L142‑1 du CESEDA. Pour pénétrer sur le territoire français, aux frontières, les enfants étrangers sont soumis aux mêmes règles que les adultes et notamment à l’obligation de présenter passeport et visa d’entrée prévus par la réglementation.
Le relevé forcé de leurs empreintes est particulièrement inopportun et largement disproportionné compte tenu de ces circonstances et de la particulière vulnérabilité des mineurs à l’arrivée aux frontières. L’article 11 du projet de loi ne contient aucune garantie spécifique et est donc susceptible de porter gravement atteinte aux droits des mineurs concernés. De plus ce relevé est réalisé le plus souvent en amont de la décision de refus d’entrée et donc de la désignation de l’administrateur adhoc. De surcroit, en pratique les associations constatent que cette désignation intervient souvent tardivement.
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