Publié le 13 octobre 2023 par : M. Peytavie, Mme Garin, Mme Rousseau.
Compléter cet article par l’alinéa suivant :
« Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation du présent article. Ce rapport aborde notamment la question de la prise en charge de la santé mentale des jeunes et des enfants en France. Il réalise un état des lieux du secteur de la pédopsychiatrie et dresse le bilan du dispositif MonSoutienPsy. Il émet des propositions allant dans le sens d’une revalorisation et de l’augmentation des moyens alloués au secteur de la santé mentale infanto-juvénile. »
Si la santé mentale est le parent pauvre de notre politique de santé, la santé mentale des jeunes et la pédopsychiatrie a été totalement abandonnée par ce gouvernement.
La crise sanitaire a révélé des souffrances psychologiques latentes chez de nombreux jeunes, isolés et en situation de précarité,
13% des 6-11 ans des enfants et adolescents présentent au moins un trouble psychique en France. La prise d’antipsychotiques a augmenté de 49% chez les mineurs entre 2014 et 2021, 63% pour les antidépresseurs, et 155% pour les hypnotiques et les sédatifs, des niveaux d’augmentation deux à vingt fois plus élevés que ceux de la population générale, selon le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA).
Comment en sommes-nous arrivés à de tels chiffres ? Avec des délais d’attente de 6 à 18 mois, l’offre pédiatrique et pédopsychiatrique n’est aujourd’hui plus en capacité de prendre en soin les enfants impactés dans des délais « raisonnables » et encouragerait, faute de soins adaptés, la prescription de psychotropes.
Selon un rapport de la Cour des Comptes sur la pédopsychiatrie de mars 2023, la crise de la démographie médicale a entraîné une diminution des pédopsychiatres de 34% entre 2010 et 2022.
Le gouvernement a répondu à l’alerte lancée par les professionnels du secteur et les associations en se cantonnant au lancement de « MonsoutienPsy ». Ce dispositif réduit à 8 séances se cantonne à la prise en charge des troubles légers à modérés et assujettit les psychologues à l’orientation au préalable par le médecin. Un an et demi après son lancement, alors que 99,51% de la population ne sera pas concernée par « MonsoutienPsy », ce dispositif fait pour les gens qui vont bien, est bel est bien un énorme gâchis d’argent public au détriment d’une prise en charge à la hauteur de la santé mentale des Françaises et des Français.
Les centres médico-psychologiques (CMP) et les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), quant à eux, constituent pourtant la pierre angulaire de l’offre ambulatoire mais souffrent d’une sous-dotation permanente, ce qui entraîne des délais d’attente pouvant aller jusqu’à 3 ans, selon les régions.
Quant au corps de psychologues de l’Education Nationale, la création de postes est à l’arrêt total, alors qu’un psychologue scolaire prend en charge en moyenne 1500 élèves, lorsqu’il ne devrait qu’en prendre que 800 au maximum, selon la moyenne européenne.
Comment le gouvernement peut-il envisager de prendre à bras le corps la question du harcèlement scolaire si aucun moyen supplémentaire n’est mis dans l’accompagnement psychologique des élèves ? Nous alertons d’ailleurs à ce sujet que la prise en charge du million d’élèves victimes de harcèlement dans notre pays ne pourra se faire par une sous-traitance au dispositif « MonsoutienPsy » qui encore aujourd’hui n’attire que 7% des psychologues.
Nous devons faire de la santé mentale de nos jeunes une priorité absolue de nos politiques publiques et les solutions existent et ont été formulée aussi bien par la Cour des comptes que par les professionnels du secteur :
-réalisation d’un bilan du dispositif « MonSoutienPsy » -et de l’échec de ce dispositif cache-misère- et réaffectation des crédits alloués vers la revalorisation des structures publiques existantes, via, par exemple, le recrutement de psychologues en CMPP et CMP-IJ et l’extension des maisons des adolescents pour réduire les délais d’attente beaucoup trop
-revalorisation du métier de psychologues dans le secteur public : augmentation des salaires (les psychologues en CMP font partie des professionnels les moins bien payés malgré des études longues de plus de 5 ans) et démorcellement des journées
-renforcement de la formation initiale et continue des praticiens accompagnant les enfants, notamment sur le plan du dépistage. Si l’article 38 de ce PLFSS ambitionne de mettre en place un service de repérage et d’intervention précoce des troubles de santé chez les enfants de moins de 6 ans, les risques sont réels d’une énième délégation à « MonSoutienPsy » en l’absence d’une intégration pleine des professionnels des centre d’action médico-sociale précoces (CAMS)
-mise en œuvre d’une politique d’attractivité renforcée de la pédopsychiatrie en valorisant le parcours hospitalo-universitaire et en dotant la recherche
-intégration au projet territorial de santé mentale un volet dédié à la psychiatrie infanto-juvénile et prévoir dans contrats territoriaux de santé mentale (CTSM) des objectifs chiffrés et un calendrier de mise en œuvre des mesures
-adoption d’objectifs nationaux de santé mentale infanto-juvénile pour évaluer et guider la politique des soins de pédopsychiatrie
Gabriel Attal a récemment affirmé que le harcèlement scolaire se résout « avec de l’humain pas avec des courriers » et que le gouvernement ne « lésinerait pas sur les moyens ». Alors que le secteur de la santé mentale des enfants et des jeunes est à l’agonie et que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s’entente à fonctionner à budget constant, où sont les moyens pour répondre à la détresse des enfants ? Où est l’humain ici ?
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