Publié le 13 octobre 2023 par : Mme Rousseau, Mme Taillé-Polian, Mme Garin, M. Peytavie.
I. – À la première phrase de l’alinéa 7 :
1° Substituer aux mots :
« à la »,
les mots :
« à une ».
2° Avant le mot :
« l’incidence’ »,
insérer les mots :
« une part de ».
II. – À l’alinéa 8 : !
1° Après le mot :
« fonctionnelle »,
insérer les mots :
« professionnelle, qui correspond à une autre part de l’incidence professionnelle de la victime concernant toutes les conséquences douloureuses et fonctionnelles dans la sphère professionnelle y compris les manifestations qui ne surgissent qu’après la retraite »
2° Supprimer les mots :
« au déficit fonctionnel permanent ».
III. – Rédiger ainsi les alinéa 6, 7 et 8 :
« Lorsque l’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente forfaitaire composée de deux parts :
« 1° Une part, dite professionnelle, correspondant à une perte de gains professionnels et à une part de l’incidence professionnelle de l’incapacité. Elle est égale au salaire annuel modulé, multiplié par le taux d’incapacité. Le salaire annuel modulé est égal à une fraction du salaire annuel de la victime ou du salaire annuel minimum mentionné à l’article L. 434‑16, dégressive en fonction du niveau de ce salaire. Le taux d’incapacité peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité des lésions et de l’atteinte portée aux perspectives de la victime sur le marché du travail ;
« 2° Une part, dite fonctionnelle professionnelle, qui correspond à une autre part de « l’incidence professionnelle » au déficit fonctionnel permanent de la victime concernant toutes les conséquences douloureuses et fonctionnelles dans la sphère professionnelle y compris les manifestations qui ne surgissent qu’après la retraite. Elle est égale à une fraction du taux d’incapacité multipliée par une valeur de point d’incapacité fixée par un barème qui tient compte de l’âge de la victime. »
L’art 39 du PLFSS 2024 est présenté comme la mise en œuvre du consensus obtenu dans le cadre de l’ANI présenté aux partenaires sociaux le 15 mai 2023 et signé par les syndicats salariés à qui il a été expliqué que les deux arrêts d’assemblée plénière rendus le 20 janvier 2023 par la Cour de Cassation étaient défavorables aux victimes d’accidents du travail en ce qu’ils avaient jugé que la rente AT ne réparait pas le poste de préjudice « déficit fonctionnel permanent ».
La situation est exactement inverse.
Ces arrêts permettent, au contraire, une meilleure réparation des préjudices subis par les victimes de fautes inexcusables de l’employeur ou d’accident du travail causés par un tiers et ils n’enlèvent rien aux autres victimes d’accidents de travail.
Pendant 14 ans les victimes d’accidents du travail avec tiers responsable ou faute inexcusable de l’employeur ont été lésées par la jurisprudence de la cour de cassation qui, avec ces arrêts, a enfin réparé son erreur. L’article 39 annihile tous les effets positifs de ce revirement de jurisprudence.
L’ANI demande au législateur de conserver l’aspect « dual » de la rente AT mais la rente AT correspondant à une fraction de salaire , elle n’a toujours eu qu’un aspect économique comme le Conseil d’Etat l’a toujours soutenu. Si on veut lui reconnaître une dualité ce serait parce qu’elle représenterait à la fois des pertes de gains et des aspects périphériques aux pertes de gains inclus dans le poste « incidence professionnelle »
Le gouvernement propose de séparer la rente AT en deux « parts » : la première, dite professionnelle qui correspondrait aux pertes de gains professionnels et à l’incidence professionnelle la seconde, dite fonctionnelle qui correspondrait au déficit fonctionnel permanent.
Cette répartition de principe n’a pas de sens si ce n’est de retirer des droits aux victimes.
L’article L 431-1 définit la rente accident du travail comme indemnisant une « incapacité permanente de travail ».
Le Conseil d’Etat juge depuis plus de 15 ans (2008) que la part fonctionnelle de la rente ne répare pas le poste déficit fonctionnel permanent. C’est également ce que considérait la Cour de cassation jusqu’en 2009 où, adoptant une position contra legem, elle a décidé dans les cas où la rente AT était supérieure aux pertes de gains professionnels futurs et à l’incidence professionnelle de la victime , qu’elle « indemnisait nécessairement le déficit fonctionnel permanent ».
Cette jurisprudence faisant l’objet de vives critiques de la doctrine comme des professionnels, la Cour de cassation a fini par admettre que sa position n’était pas conforme en opérant cet important revirement par arrêts d’assemblée plénière.
Si l’article 39 était retenu. La modification proposée serait de distinguer entre :
La part dite professionnelle qui indemniserait une perte de capacité de gains , une dévalorisation sur le marché du travail etc pouvant s’inscrire dans les postes pertes de gains professionnels après consolidation et incidence professionnelle (la part professionnelle n’indemnise pas « la perte de gains professionnelle » dans la mesure où pour un salarié ayant perdu son emploi la rente ne couvre pas l’intégralité de ses pertes de gains d’où la demande de modification terminologique de « la » en « une »)
La part dite fonctionnelle de la rente ne peut en réalité réparer que les séquelles au travail, toutes les conséquences douloureuses et fonctionnelles pendant la vie professionnelle (notamment pénibilité accrue) et y compris si les manifestations qui ne surgissent qu’après la retraite ce qui rejoint le poste « incidence professionnelle » défini selon la nomenclature Dintilhac:
« Cette incidence professionnelle à caractère définitif a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap ».
Le poste « déficit fonctionnel permanent » est en effet un poste de préjudice qui ne concerne que les incidences du dommage qui touchent exclusivement la sphère personnelle de la victime. Il ne peut pas être évoqué dans ce cadre …. Encore moins depuis les arrêts de l’assemblée plénière de la Cour de Cassation.
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