Publié le 13 octobre 2023 par : M. Peytavie, Mme Rousseau, Mme Garin.
« Article 19 bis
I. – La section 1 du chapitre VI du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complétée par un article L. 1226‑1‑5 ainsi rédigé :
« Art. L. 1226‑1‑5. – Les menstruations reconnues comme incapacitantes ouvrent droit, pour tout salarié dès son premier jour au sein de l’entreprise, à un arrêt de travail dans les conditions définies aux articles L. 321‑1‑1 et L.321‑1‑2 du code de la sécurité sociale. »
II. – Le chapitre II du titre II du livre VIII du code général de la fonction publique est complété par une section 7 ainsi rédigée :
« Section 7
« Arrêt pour menstruations incapacitantes
« Art. L. 822‑31. – L’agent public, tel que défini par l’article L. 7 du code général de la fonction publique, atteint de menstruations incapacitantes a droit à un arrêt de travail dans les conditions égales à celles qui sont définies par l’article L. 1226‑1‑5 du code du travail ».
III. – Après l’article L. 321‑1 du code de la sécurité sociale sont insérés deux articles L. 321‑1‑1 et L. 321‑1‑2 ainsi rédigés :
« Art. L. 321‑1‑1. – L’assurance maladie assure le versement des indemnités journalières prévues à l’article L. 321‑1 à la personne ayant recours à l’arrêt de travail mentionné à l’article L. 1226‑1‑5 du code du travail.
« Les indemnités journalières mentionnées à l’alinéa précédent sont versées durant la totalité de la période d’arrêt de travail résultant de la prescription mentionnée à l’article L. 321‑1‑2. Par dérogation à l’article L. 323‑1, ces indemnités sont versées sans délai.
« Par dérogation aux articles L. 160‑10, L. 160‑13 et L. 160‑14 du même code, la consultation réalisée dans le cadre de la prescription prévue à l’article L. 131‑1‑2 est intégralement prise en charge par les régimes obligatoires de l’assurance maladie. »
« Art. L. 321‑1‑2. – Les menstruations incapacitantes mentionnées à l’article L. 1226‑1‑5 du code du travail et L. 822‑31 du code général de la fonction publique sont reconnues par le médecin généraliste de premier recours, le médecin spécialiste de premier ou de deuxième recours, la sage‑femme ou par le médecin du travail.
« La prescription d’arrêt de travail, établie conformément à l’alinéa précédent, est valable pendant une durée d’un an. Elle peut être utilisée librement par la personne atteinte de menstruations incapacitantes, de manière autonome, pour une durée maximum de treize jours par an et sans préjudice de toute autre prescription. Elle peut être utilisée consécutivement ou séparément et sans limite mensuelle.
« À titre exceptionnel le médecin peut renouveler une fois au cours de la même année, s’il évalue que l’état de santé de la personne prise en charge le nécessite, la prescription d’arrêt de travail pour menstruations incapacitantes, dans les conditions égales à celles prévues par l’article L. 312‑1‑1 et par le présent article. »
IV. – Le II de l’article 115 de la loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° À l’arrêt de travail pour menstruations incapacitantes mentionné à l’article L. 321‑1‑1 du code de la sécurité sociale.
V. – Les III et IV du présent article sont applicables aux arrêts de travail prescrits à compter d’une date prévue par décret et fixée au plus tard le 1er septembre 2024.
VI. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.
Par cet amendement, le groupe Ecologiste appelle à la mise en place d’un arrêt de travail sans délai de carence de 13 jours par an pour les personnes salariées et agentes du public atteintes de menstruations incapacitantes, également connu sous le nom de "congé menstruel".
Les menstruations concernent 15 millions de personnes en 13 et 50 ans en France. En moyenne, les femmes ont leurs menstruations 2280 jours dans une vie, pendant 38 ans. Parmi celles-ci, près de 10% sont atteintes d’endométriose, une maladie se traduisant la plupart du temps par des douleurs très souvent insupportables pendant les règles. Ces souffrances, qui peuvent être aussi douloureuses qu’une crise cardiaque, constituent aussi les symptômes d’autres pathologies gynécologiques telles que le fibrome ou le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), qui toucherait en France près d’une femme sur dix.
In fine, une personne menstruée sur deux souffre de règles douloureuses, liées ou non à une pathologie sous‑jacente. Les souffrances liées aux menstruations peuvent ainsi être aussi douloureuses qu’une crise cardiaque.
Pourtant, ces douleurs demeurent encore aujourd’hui largement invisibilisées, voire objet de moqueries et de discriminations, dans le monde du travail, encore dominé par le culte éminemment masculin de la performance. A ce titre, 65 % des femmes en activité salariée ont déjà été confrontées à des difficultés liées à leurs règles au travail et 14 % sont régulièrement forcées de s’absenter.
La question des menstruations, en particulier celle des menstruations incapacitantes, est une question de santé publique. Ainsi, lever le tabou sur les règles dans la société, et plus particulièrement dans le monde du travail implique que la santé menstruelle et que les besoins des personnes en capacité de menstruer soient pleinement reconnus et intégrés.
Car ce n’est plus aux femmes de s’adapter au monde du travail, mais au monde du travail de s’adapter à leurs réalités, et leurs besoins menstruels en font pleinement partie.
Force est de reconnaître que le monde du travail a encore énormément d’efforts à produire pour adapter les postes de travail en prenant en compte la santé des salariés, en particulier la santé menstruelle et gynécologique. Toutefois, il n’est pas normal que des femmes souffrant le martyre au point de s’évanouir soit forcées de se rendre au travail pour répondre aux diktats du présentéisme. Il est encore plus injuste qu’elles pâtissent de préjudices économiques si, à bout, elles décident de poser un arrêt de travail avec délai de carence ou un jour de congé.
Face à cette injustice propre à un monde du travail encore sexiste, le groupe Ecologiste appelle ainsi à la mise en place d’un arrêt pour menstruation incapacitante de 13 jours annuels, intégralement pris en charge par la Sécurité Sociale et sans jours de carence pour les personnes salariées et fonctionnaires. Un certificat attestant des menstruations incapacitantes remis une fois par an par un médecin déclencherait l’ouverture de cet arrêt de travail, dont les 13 jours pourraient être posés librement via la plateforme Ameli, sans avoir ainsi à informer l’employeur du motif de l’absence.
Plus largement, nous appelons à un véritable plan de reconnaissance et de promotion de la santé menstruelle et gynécologique en France qui passe nécessairement par la sensibilisation de toutes et tous, le financement de la recherche, la lutte contre la précarité menstruelle et l’accès à des protections menstruelles libres de tout produit toxique.
Le 16 février dernier le Parlement espagnol adoptait une loi instaurant un congé menstruel pour les femmes souffrant de menstruations douloureuses. Plusieurs entreprises de toute taille et collectivités territoriales ont suivi l’initiative en faisant le choix de faire confiance à leurs salariées. A nous, parlementaires, de franchir le pas pour remettre le bien-être et la santé des femmes au cœur de nos priorités.
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