Publié le 12 octobre 2023 par : Mme Petex-Levet, M. Seitlinger, Mme Périgault, Mme Anthoine, M. Dubois, M. Taite, M. Bourgeaux, Mme Gruet, M. Bony, Mme Corneloup, M. Descoeur, M. Ray, M. Cinieri.
Après l’article 23, insérer un article ainsi rédigé :
“I. Réaliser une étude prospective nationale basée sur un état des lieux partagé, par les acteurs des territoires sur les besoins en recrutement des secteurs social, médico-social et sanitaire d’ici 2030. Cette étude devra croiser :
- Les données liées aux départs des professionnels ;
- Les entrées et sorties en formation ;
- Toutes les données permettant de se projeter sur les besoins grandissants en nombre de personnes accompagnées (leur nombre, démographie, lieux de vie, pourcentage de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, augmentation du nombre d’enfants bénéficiant d’une mesure de protection…) en intégrant les besoins sur une couverture nationale et les spécificités des territoires sur une échelle de bassin de vie.
Sur la base de cette étude, décliner à l’échelle locale un plan opérationnel pluriannuel, global et territorialisé co-signé par les départements, l’ARS, le conseil régional, sur les volets formation et recrutement, et les effecteurs de service. Il prendra en compte la transversalité des métiers des secteurs sanitaire, social et médico-social et sera basé sur les besoins quantitatifs et qualitatifs. Il prévoira des actions concrètes et propres au territoire permettant de garantir la revalorisation et l’attractivité des métiers de ces trois secteurs interdépendants. Ce plan devra permettre de construire la stratégie de recrutement en phase avec les besoins et d’organiser l’appareil de formation en conséquence, en s’appuyant sur une approche globale, concertée et complémentaire entre les acteurs et institutions ressources au sein des territoires.
II. Développer une stratégie territoriale partagée des acteurs en matière de recrutement, et ce notamment pour mieux cibler les demandeurs d’emploi en mettant l’accent sur une orientation voulue et choisie par le candidat.
III. Créer un contrat d’engagement de service d’intérêt social, inspiré du contrat d’engagement de service public (CESP) existant pour les études de médecine, mais adapté dans sa mise en œuvre. Celui-ci porterait sur les métiers particulièrement critiques, sur lesquels une pénurie est attendue et prévisible dans les prochaines années ; les étudiants concernés pourraient contractualiser pour servir tant dans le secteur public qu’associatif.
IV. Permettre aux établissements d’être stratèges de leurs politiques RH et non seulement gestionnaires de celles-ci, en leur garantissant des moyens pour concevoir et mettre en œuvre les mesures permettant de recruter et de fidéliser sur leurs métiers en tension et leurs métiers stratégiques (qui dépendent fortement du contexte territorial). Cela se traduira notamment par l’organisation régulière de véritables dialogues de gestion dans le cadre des CPOM.
V. Soutenir financièrement des démarches de QVCT et de RSE dans les associations et améliorer les marges de manœuvre financières des ESMS, pour être en mesure d’agir résolument sur les conditions de travail.
VI. Définir un ratio minimal d’encadrement en fonction des ESMS et des besoins des personnes permettant des accompagnements de qualité et humains et d’individualiser l’accompagnement.
VII. Adapter le cadre légal pour réguler le recours à l’intérim dans notre secteur d’activité, à l’instar de l'encadrement de l'intérim médical et des contrats de gré à gré ou de vacation entrés en vigueur dans les hôpitaux le 3 avril 2023.
VIII. Soutenir les associations par des financements et toutes les actions visant à accompagner les structures dans la mise en œuvre de démarches de prévention pour lutter contre la sinistralité et l’absentéisme”.
Les professionnels des secteurs médico-social, social et sanitaire doivent faire face à plusieurs phénomènes qui entraînent une complexité accrue de l’exercice de leurs métiers : alourdissement de la charge en soins des personnes accueillies, participation et attentes plus importantes des personnes accompagnées et de leurs familles, recomposition du paysage sanitaire et médico-social et développement des accompagnements. Dans ce contexte, on observe donc une évolution très défavorable de plusieurs indicateurs : augmentation de l’absentéisme et du taux de sinistralité (des risques accrus d’accidents du travail, d’invalidité et de maladies professionnelles), ainsi que des troubles musculosquelettiques (TMS), l’une des principales causes d’arrêt de travail et d’inaptitude médicale des salariés. Pour rappel, les facteurs de risques des TMS regroupent les facteurs biomécaniques (répétition, effort excessif, travail statique, posture contraignante) mais également les facteurs psychosociaux (stress, charge mentale de la tâche, manque d’autonomie, impression de ne pas être perçu à sa juste valeur). En France, le secteur médico-social occupe la première place en termes d’affections psychiques, de troubles musculosquelettiques et d’accidents du travail. Ainsi, depuis 2017, on reconnaît que le secteur le plus touché par le stress professionnel est justement celui de la santé humaine et des actions sociales... Pas moins de 42 % des salariés du soin, qu’il soit médical ou social, disent ressentir des « tensions extrêmes ».
Soumis à des injonctions paradoxales permanentes et à une incapacité à mener à bien leurs accompagnements (conditions de travail dégradées, temps moindre pour réaliser les bons gestes et utiliser les bonnes postures, situations de maltraitance tant pour les personnes accompagnées que pour les professionnels), pouvant même de fait devenir, bien malgré eux et à leur grand désarroi, maltraitants avec les personnes qu’ils accompagnent, nombre de travailleurs sociaux quittent un secteur où les salaires sont, en plus, très insuffisants étant donnée le degré élevé de responsabilité.
Car effectivement, face à une grande démotivation des professionnels et à l’érosion progressive de la qualité de l’emploi, l’usure (renforcée par la (dés)organisation des services, les horaires décalés, le manque de RH), l’épuisement et le sentiment de non reconnaissance ont atteint un tel degré que beaucoup interrogent leur évolution professionnelle, que ce soient les professionnels dits de terrain mais aussi les équipes encadrantes. On observe un découragement par rapport à un monde du travail exigeant, et qui, en échange, n’apporte ni sens, ni innovation, ni un pouvoir d’achat rassurant et valorisant, générant même une forte frustration et un profond mal-être ressenti par les organisations et les salariés de ces secteurs, surtout s’agissant de métiers à sens comme ceux de l’accompagnement de personnes vulnérables. La reconnaissance de l’État doit être à la hauteur de l’action engagée par tous ces professionnels et ces associations. Améliorer la qualité de vie et les conditions de travail des professionnels par tous les moyens : horaires de travail, équilibre vie privée/vie professionnelle, mobilité géographique, lieu d’exercice adapté, prévention des risques, déploiement d’un accueil, intégration et facilitation d’hébergement des professionnels ou d’emploi pour le conjoint, plus grande autonomie dans la gestion du temps et des tâches etc.
Quant aux salariés toujours en poste, ils doivent travailler en équipes réduites, au détriment de la qualité des accompagnements qu’ils proposent. Les professionnels de ces secteurs aspirent désormais à davantage d’autonomie, mais aussi de soutien et de solutions face aux difficultés qu’ils rencontrent dans leur pratique professionnelle.
D’autant que dans les années à venir, le vieillissement de la population occasionnera des besoins supplémentaires en matière de santé et d’accompagnement des personnes en perte d’autonomie. Ce qui devrait entraîner d’importantes créations de postes dans l’ensemble des professions de santé et d’aide aux personnes fragiles (aides-soignants, infirmiers, aides à domicile etc.).
De plus, les cohortes les plus nombreuses dans l’emploi quitteront définitivement le marché du travail – essentiellement pour partir en retraite – et leur poids démographique est tel qu’il détermine largement les besoins de recrutement dans les métiers : neuf postes à pourvoir sur dix à l’horizon 2030 le seraient du fait des postes laissés vacants par les seniors qui quitteront le marché du travail.
Les déséquilibres anticipés entre besoins et ressources en main-d’œuvre pourraient ainsi se résorber si l’attractivité liée aux conditions de travail et au niveau de rémunération s’améliore (métiers de l’accompagnement et du soin, services à la personne etc.)
Pour attirer les jeunes et les actifs dans des métiers où les besoins sont en croissance, la formation a un rôle essentiel à jouer mais les processus de recrutement et l’attractivité des métiers sont aussi en cause. Il faut construire un monde professionnel attractif et durable.
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