Publié le 13 septembre 2023 par : Mme Garin, M. Peytavie, Mme Rousseau, Mme Taillé-Polian.
I. – Il est institué un comité national d’évaluation de France Travail. Il est notamment composé d’experts, de membres des associations œuvrant dans le champ des solidarités et de la lutte contre les exclusions. Ce comité rend un rapport annuel au Parlement. Il peut demander l’accès à toute information utile à son travail.
II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2024 selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État.
Le présent projet de loi de France Travail est mis en œuvre sans réelle évaluation de la précédente fusion de l’ANPE et des ASSEDIC en matière de lutte contre le chômage, retour à un emploi durable, conditions de travail des conseillers et satisfaction des usagers. Or il semble que Pôle Emploi n’a pas permis, en soi, de résorber le chômage de masse qui ne commence actuellement à décroitre qu’au prix aussi d’une augmentation massive des CDD de moins d’un mois et de l’intérim depuis la reprise en 2021.
Selon la DARES, la diminution des catégories A entre le quatrième trimestre 2022 et le 1er trimestre 2023 se fait en parallèle d’une augmentation des Catégories B et C sur la même période : de 744 000 au T1 2021 à 814 000 au T1 2023 pour la catégorie B et de la Catégorie C de 1,4 millions à 1,5 millions et au prix d’une augmentation du Halo du chômage depuis au moins 2 trimestres de +62 000 au T1 2023 et +49 000 au T4 2022.
Elle se fait aussi au prix d’une augmentation des sanctions, de sorte que 390 000 personnes sont sorties des chiffres du chômage au 1er trimestre 2023 car ils ont été rayés de la liste pour une raison ou pour une autre (52 000 radiations, plus de 200 000 défauts d’actualisation). En définitive, seules 84 000 personnes semblent effectivement avoir retrouvé un emploi, soit à peine 15,6 % du total des sorties au 1er trimestre 2023.
De même, la DARES précise au 1er trimestre 2023 que « les déclarations d’embauche pour les CDD de moins d’un mois tirent à la hausse les embauches globales (+2,1 % sur le trimestre, soit une contribution de +1,3 point à la hausse totale des embauches), tandis que les embauches associées aux contrats de plus d’un mois (CDD longs et CDI) se replient », imputant largement les créations d’emploi depuis 2021 à l’explosion des CDD courts.
De même Pôle Emploi aura conduit à une dégradation massive des conditions de travail des conseillers dont les portefeuilles ont explosé en parallèle d’une pénurie chronique de personnels. Les échecs des plans successifs en faveur des demandeurs d’emploi longue durée ou même des métiers en tension sont mal évalués selon la Cour des Comptes.
En définitive, l’impact de Pôle Emploi sur le retour à un emploi durable, l’accompagnement des entreprises à l’embauche ne fait l’objet d’aucune évaluation avant la mise en œuvre de France Travail, un projet dont la proximité avec les loi Hartz inquiète. Or le bilan des lois Hartz est connu.
Selon la DG Trésor dans une étude de 2013, elles auraient abouti à la création de 2,5 millions d’emplois entre 2005 et 2013, correspondant majoritairement à des emplois à temps partiel, à des contrats intérimaires ou à durée déterminée de sorte que le bilan quantitatif des réformes est relativisé par une augmentation massive de la pauvreté en Allemagne. Le Trésor indique ainsi que : « Ces bonnes performances sur le front de l’emploi se sont accompagnées d’une hausse des inégalités et de la pauvreté (…) Le taux de pauvreté global au seuil de 60 % du niveau de vie médian a crû de 2,2 points, de 12,5 % à 14,7 % alors qu’il fluctuait autour de 12 % depuis la décennie 1980. Les réformes Hartz ont notamment accru l’offre d’emploi à très faible temps de travail ce qui a entraîné une augmentation du taux de pauvreté des personnes en emploi. Entre 2004 et 2006, ce taux est passé de 4,8 % à 7,5 % ». Il ne s’agit pas d’une perspective souhaitable et d’un modèle à copier.
En conséquence, cet amendement, travaillé avec l’UNIOPSS et le Collectif Alerte, propose que la mise en place graduel de France Travail à partir de 2024 face l’objet d’une évaluation et d’un suivi constant. Il propose que des experts, des membres du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ainsi que les associations de solidarités soient associées aux travaux d’une instance d’évaluation de la mise en œuvre de cette réforme et de ses effets, afin de proposer des ajustements au travers d’un rapport annuel.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.