Publié le 29 juin 2023 par : M. Thiériot, M. Vincendet, M. Di Filippo, M. Gosselin, M. Meyer Habib, Mme Anthoine, Mme Louwagie, M. Viry, M. Kamardine, Mme Corneloup.
Après l’alinéa 3, insérer l’alinéa suivant :
« Considérant que l’effectivité immédiate d’une courte peine réalisée dans de strictes conditions est de nature à lutter contre la récidive ainsi qu’à redonner confiance aux Français et aux forces de l’ordre dans la justice de leur pays, des crédits de paiement du budget du ministère de la justice devront être utilisés pour la construction de nouveaux centres de détention dédiés à la réalisation de peines inférieures à trois mois pratiquant un régime strict fondé sur le principe de l’encellulement individuel et de l’isolement. »
Le 30 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’Homme condamnait la France en raison de sa surpopulation carcérale et lui enjoignait de résorber cette dernière. Deux réponses pouvaient dès lors être apportées : augmenter le nombre de places de détention ou, plus simplement, vider les prisons. Le gouvernement, profitant de la crise sanitaire, a choisi la seconde option.
Sous l’effet combiné d’un ralentissement de l’activité de jugement des tribunaux qui a freiné les placements sous mandat de dépôt, d’une facilitation des procédures permettant la libération anticipée des personnes condamnées et d’une réduction supplémentaire de peine à titre exceptionnel, le nombre de personnes détenues est ainsi passé de 70 651 au 1er janvier 2020 à 58695 au 1er juillet 2020.
Si dans l’absolu l’on ne peut que se féliciter d’une diminution de 116 % à 97 % du taux d’occupation carcérale, la méthode retenue pour parvenir à un tel résultat est cependant éminemment critiquable : justice au ralenti et élargissement anticipé des personnes condamnées sont précisément les fléaux qui rongent notre politique pénale, minent la confiance des Français et des forces de l’ordre dans la Justice et confortent les délinquants dans un sentiment d’impunité les incitant à récidiver.
Dans ce contexte, il ne faut hélas pas s’étonner de la multiplication des agressions contre les policiers qui sont les premiers acteurs visibles d’une justice pénale qui a perdu toute crédibilité. Le fait que les délinquants ne craignent même plus de s’en prendre à ceux qui sont en charge de notre protection est le symptôme d’un grave disfonctionnement de la justice pénale de notre pays. À cet égard, l’instruction donnée par le Garde des Sceaux le 6 octobre 2020 aux procureurs généraux de « donner la priorité, chaque fois que cela est possible, aux peines alternatives à l’emprisonnement » va à contre‑sens des mesures à prendre pour combattre la hausse de l’insécurité dans notre société.
Certes, il faut lutter contre la surpopulation carcérale qui est indigne d’un pays comme la France et potentiellement criminogène, mais le laxisme pénal n’est pas la solution. Réduire arbitrairement le nombre de personnes détenues pour s’adapter à un nombre restreint de places de prison ne peut pas constituer le fondement de la politique pénale d’un grand pays.
Tout d’abord, parce qu’ériger le taux d’occupation carcérale comme élément déterminant de la décision d’incarcération ab initio ou d’aménagement et de réduction de peine a posteriori est totalement contraire aux principes constitutionnels de légalité des délits et des peines et d’individualisation de la peine.
Ensuite, parce que ce renoncement à la peine de prison basé sur une logique numérique arbitraire compromet la réussite d’une politique de diminution de la délinquance et de prévention de la récidive. Quel sens en effet donner à la peine quand la durée prononcée et l’effectivité de son exécution sont soumises à l’aléa du taux d’occupation des établissements pénitentiaires du ressort de la juridiction ?
Enfin, parce que sous couvert d’une politique fondée sur la réinsertion, le renoncement aux peines de prison est le signe d’un déclassement sans précédent du pays. L’appel du Premier ministre lors de son discours de Lutterbach le 20 avril 2021 à privilégier les peines alternatives à la prison doublé de l’abandon du projet de construction des 15 000 places de prison pour 2022 promises par le candidat Macron sonne comme un aveu d’impuissance très inquiétant. Il signifie en effet que les plus hautes autorités de l’État admettent que le pays n’a pas les moyens d’appliquer les peines prévues par la loi et qu’il doit se résigner au choix par défaut de la sanction pénale la moins onéreuse aux dépens de la sécurité de nos concitoyens.
Il est temps au contraire que la politique pénale s’adapte au réel de la délinquance en donnant les moyens à la Justice d’être rendue correctement, c’est‑à‑dire plus de magistrats et d’assistants de justice et davantage de places de prison et d’agents pénitenciers. Par comparaison, la France dépense 69,51 euros par habitant pour sa justice quand l’Allemagne y consacre 131,20 euros (rapport de la commission européenne pour l’efficacité de la justice).
Il est temps également d’en finir avec l’angélisme des peines alternatives qui ne font plus peur qu’à ceux qui ne côtoient la justice que de loin alors qu’il est nécessaire que la peine soit crainte pour que l’individu trouve un intérêt personnel à vouloir l’éviter et qu’il décide pour son propre avantage de ne pas enfreindre la loi. Or, c’est un fait, seule la peine privative de liberté présente ce caractère symbolique et suffisamment contraignant pour agir sur l’entendement et la motivation des délinquants.
Il est temps surtout de mettre fin aux disfonctionnements de la chaine pénale. L’effectivité immédiate des peines et leur plein accomplissement sont essentiels pour rompre le cercle vicieux de la délinquance ; ce sont les conditions sine qua non d’une politique de prévention de la récidive réaliste et efficace.
Cela signifie que l’État doit mener une opération massive de construction de places de prison, dirigée en priorité vers des établissements de courtes peines afin de désengorger les maisons d’arrêt qui sont les établissements pénitentiaires les plus impactés par la surpopulation carcérale.
La création de places supplémentaires de prison doit être l’occasion de créer un genre nouveau d’établissement pénitentiaire dédié à la réalisation de peines inférieures à 3 mois dans des conditions aussi strictes que respectueuse de la dignité humaine – exactement à l’inverse de ce qui est pratiqué actuellement :
– effectivité du principe de l’encellulement individuel
– isolement pendant la promenade
– accès à une bibliothèque de qualité en lieu et place de télévisions
– droit de visite limité à l’avocat, au médecin, aux proches parents ainsi qu’à un aumônier ou psychologue du centre
Un tel régime doit ainsi rappeler au détenu qu’il s’agit d’une sanction qui lui est infligée car il a enfreint la loi et non d’un séjour oisif aux frais du contribuable. L’isolement, tout en protégeant la personne condamnée de ses codétenus lui interdira de nouer des relations avec d’autres délinquants, phénomène qui donne aujourd’hui corps à l’argument selon lequel la prison est l’école du crime.
L’existence en nombre suffisant de places dans ces centres de détention de courtes peines permettra la mise en place d’une politique pénale de tolérance zéro à l’égard des délinquants. Le sursis ou l’aménagement de peine aujourd’hui accordés à défaut par le juge pourront laisser la place au prononcé d’une courte peine effective immédiatement aussi bien à l’encontre des récidivistes que des primo‑délinquants et en particuliers des mineurs dont il est impératif d’interrompre au plus tôt le parcours criminel.
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