Publié le 9 juin 2023 par : Mme Moutchou.
I. – Pour une durée de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, une expérimentation visant à encourager l’orientation des lycéens vers les études de santé et à les y préparer est mise en place dans trois départements volontaires caractérisés par une offre de soins insuffisante ou concernés par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434‑4 du code de la santé publique.
II. – Au sein des lycées de la voie générale ou technologique situés dans les départements sélectionnés, un enseignement optionnel en santé est proposé aux élèves des classes de première et de terminale ainsi qu’un tutorat mis en place avec des étudiants en médecine.
III. – Au plus tard douze mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les conditions appropriées pour son éventuelle généralisation.
Cet amendement propose d’expérimenter, dans trois départements volontaires caractérisés par une offre de soin insuffisante, la mise en place d’une option santé dans les lycées de la voie générale ou technologique ainsi qu’un tutorat en partenariat avec les facultés de médecine, pour les élèves qui suivent cet enseignement optionnel.
Avec 230 000 médecins au 1er janvier 2022, la France compte 3,4 médecins pour 1000 habitants et se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE. Mais la démographie médicale est très inégalement répartie sur notre territoire. Là réside tout le problème de la désertification médicale, qui concerne évidemment les zones rurales et montagneuses, mais également certains territoires urbains et péri-urbains. Si la Ville de Paris compte la plus forte densité médicale, l’Île-de-France est paradoxalement devenue le premier désert médical français : 62% des franciliens vivent dans une zone sous-dotée en médecin, contre 30% de la population française. En dix ans, le Val-d’Oise a perdu 24% de médecins généralistes et se tourne vers la téléconsultation pour limiter les ruptures de soins.
Ces difficultés d’accès aux soins se traduisent par des renoncements aux soins qui pénalisent 1,6 millions de personnes chaque année et des délais d’attente de plus en plus longs pour obtenir un rendez-vous (jusqu’à 6 mois pour obtenir une consultation d’ophtalmologie), entrainant des retards de diagnostic et des pertes de chance de guérison. Ces difficultés se traduisent également, dans la population médicale, par un sentiment de perte de sens et un épuisement professionnel qui gagne désormais 51% des médecins, conduisant un quart des professionnels concernés à abandonner leur métier.
Certains territoires sont d’ores et déjà confrontés à des difficultés de renouvellement générationnel du corps médical, avec comme corollaire le creusement des inégalités territoriales d’accès à la santé. Au 1er janvier 2022, près de 49% des médecins inscrits à l’ordre national des médecins étaient âgés de 60 ans. Or, l’Atlas de la démographie médicale du Conseil national de l’Ordre met en évidence l’existence d’une corrélation entre le nombre de médecins les plus âgés et la population la plus âgée. Et nous savons bien que 45% de l’ensemble des dépenses de santé se concentre sur la population âgée de 60 ans et plus. Les besoins en soins augmentent donc fortement dans les territoires qui connaissent les plus fortes baisses en offre de soins, avec un vieillissement de la population médicale plus marqué. Pour répondre à cette difficile équation et accompagner la transition démographique du corps médical, il nous faut actionner différents leviers.
Un rapport sénatorial publié en mars 2022 dresse un état des lieux des inégalités territoriales d’accès aux soins et propose une stratégie pour y remédier. Celle-ci se fonde sur trois piliers:
optimiser le temps médical disponible au bénéfice des patients;
promouvoir et faciliter l’exercice dans les zones sous-denses;
accroître les capacités de formation universitaire, notamment en diversifiant l’origine des étudiants en médecine pour favoriser des installations territoriales mieux réparties.
Ce dernier levier est à mettre en perspective avec une récente étude de la DRESS, qui porte sur une analyse croisée des actions menées à l’international pour remédier aux pénuries de médecins. A la lumière des expériences menées dans plusieurs pays, il apparaît que «le levier principal est la sélection des étudiants admis en école de médecine, pour augmenter la part de ceux qui sont issus de communautés défavorisées en termes d’accès aux soins. Pour atteindre cet objectif, une démarche de décentralisation des lieux de formation a été mise en œuvre, complétée par des démarches positives vis-à-vis des élèves du secondaire et des processus de sélection adaptés pour donner la priorité, à performance égale, aux étudiants issus de zones moins favorisées ou qui souhaitent y exercer. »
Sur ce fondement, cet amendement vise à encourager les vocations médicales chez les élèves issus des zones sous-dotées en médecins, en instaurant une option santé, pour les classes de première et de terminale, dans les lycées situés dans des zones de faible densité médicale, dans les régions sélectionnées pour l'expérimentation. Il s’agit d’une initiative déjà mise en œuvre dans le lycée Jean Lurçat de Saint-Céré, dans le Lot, à l’initiative de Raphaël Daubet, maire de Martel et président de la communauté de commune du Cauvaldor. En proposant un enseignement dédié à la préparation des études médicales mais aussi pharmaceutiques et paramédicales nous souhaitons encourager les vocations médicales dans ces territoires, lutter contre l’auto-censure des élèves parfois éloignés des grands centres urbains et des facultés de médecine et favoriser la réussite de ces élèves en première année commune aux études de santé.
De plus, ce dispositif pourrait également améliorer l’attractivité des professions médicales et paramédicales au-delà des études de médecine. En effet, la rentrée universitaire de 2022 a été marquée par une crise dans les facultés de pharmacie, en raison d’un manque considérable d’étudiants. Dans toute la France, près de 1100 étudiants manquent à l’appel pour accéder à la deuxième année et intégrer le cursus en pharmacie. Malgré l’augmentation des places disponibles en études pharmaceutiques (+16,4% en deux ans), seuls 2700 étudiants ont été admis en deuxième année de pharmacie, sur les 3802 places disponibles pour la promotion 2022-2023. Au niveau national, cela représente une moyenne de 30% d’élèves en moins en cours.
Enfin, le dispositif proposé contribuerait à renforcer le niveau de formation des lycéens à la culture scientifique et médicale. La crise sanitaire a mis en lumière le manque d’information et de formation de la population générale à l’égard des questions de santé, donnant libre court au développement d’un complotisme anti-médical, notamment chez les jeunes exposés à ces théories largement relayées sur les réseaux sociaux. En plaçant l’éducation scientifique au centre de nos lycées, au même titre que l’éducation civique, cette proposition de loi contribuerait au développement de l’esprit critique chez les jeunes et à la lutte contre la diffusion de fausses informations dans notre société (en apprenant par exemple à faire la distinction entre une opinion et un fait scientifique).
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